Après deux ans de guerre dévastatrice, la région du Tigré, au nord de l’Éthiopie, connaît un timide retour au calme. Depuis la signature de l’accord de paix entre le gouvernement fédéral et les autorités tigréennes, des dizaines de milliers de déplacés commencent à regagner leurs villages. Mais la reconstruction s’annonce longue et semée d’embûches, alors que la population tente de panser les plaies d’un conflit qui a fait des centaines de milliers de victimes.
Un retour sous haute surveillance
Selon les agences humanitaires, près de 200 000 personnes ont entamé un retour progressif vers leurs localités d’origine depuis le début de l’année. Les convois de l’ONU et du Croissant-Rouge accompagnent ces familles, souvent épuisées, qui retrouvent des maisons détruites, des champs en friche et des infrastructures à l’abandon.
« Nous sommes heureux de rentrer, mais tout est à reconstruire. Il n’y a ni école, ni dispensaire, ni eau potable », témoigne Tekle, père de quatre enfants, de retour à Mekele.
Une situation humanitaire encore critique
Malgré la fin des combats, l’accès à l’aide reste difficile dans certaines zones rurales, en raison de l’état des routes, de la présence de mines et de l’insécurité persistante. Plus de 5 millions de personnes dépendent encore de l’aide alimentaire, et la malnutrition touche particulièrement les enfants et les femmes enceintes.
Les ONG alertent sur la nécessité d’un soutien international massif pour éviter une nouvelle catastrophe humanitaire. « Le retour des déplacés est une étape, mais sans reconstruction rapide des services de base, la situation pourrait se dégrader à nouveau », prévient le coordinateur régional du Programme alimentaire mondial.
Les défis de la reconstruction
La priorité est à la réhabilitation des écoles, des centres de santé, des routes et des réseaux d’eau. Le gouvernement éthiopien, avec l’appui des bailleurs internationaux, a lancé plusieurs programmes, mais les moyens restent insuffisants face à l’ampleur des besoins. La question de la sécurité, avec la présence de groupes armés résiduels et de tensions communautaires, complique la tâche.
Les autorités locales insistent aussi sur la nécessité de relancer l’économie rurale, en soutenant l’agriculture, l’élevage et les petits commerces. La jeunesse, très touchée par le conflit, attend des perspectives d’emploi et de formation.
Réconciliation et justice transitionnelle
Au-delà de la reconstruction matérielle, la paix durable passe par la réconciliation. Les blessures psychologiques, les traumatismes et les divisions communautaires sont profonds. Des initiatives de justice transitionnelle, de dialogue intercommunautaire et de soutien psychosocial commencent à émerger, mais le chemin est long.

Le gouvernement promet des enquêtes sur les exactions commises pendant la guerre, mais les victimes attendent des actes concrets. La société civile, les Églises et les chefs traditionnels jouent un rôle clé dans la reconstruction du tissu social.
Un enjeu pour la stabilité régionale
La stabilisation du Tigré est cruciale pour l’ensemble de la Corne de l’Afrique. Les voisins érythréen et soudanais suivent de près l’évolution de la situation, alors que les flux de réfugiés et les tensions frontalières restent une source d’inquiétude.
La communauté internationale, qui a salué l’accord de paix, est appelée à renforcer son soutien financier et technique pour accompagner la reconstruction et prévenir une reprise des hostilités.
Conclusion : un espoir fragile, mais réel
Le retour des déplacés au Tigré est un signe encourageant, mais la route vers la paix et la prospérité reste longue. La reconstruction matérielle, la réconciliation et la relance économique sont les clés d’un avenir meilleur pour une région meurtrie, mais résiliente. L’Éthiopie joue ici sa crédibilité et sa capacité à tourner la page d’un conflit qui a bouleversé toute la région.