Vague d’arrestations : la presse indépendante sous pression à Addis-Abeba
L’Éthiopie est de nouveau sous le feu des projecteurs internationaux après l’arrestation, le 28 mai, d’au moins cinq journalistes de médias indépendants à Addis-Abeba. Cette vague d’interpellations, qui intervient dans un contexte de tensions politiques et sécuritaires croissantes, suscite l’inquiétude des défenseurs des droits humains et relance le débat sur la liberté de la presse dans le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique.
Les faits : descentes policières et médias visés
Selon plusieurs sources concordantes, la police fédérale a mené des descentes simultanées dans les locaux de trois médias privés : Addis Standard, Ethiopia Insight et Feteh Media. Les journalistes arrêtés – dont deux rédacteurs en chef et trois reporters – sont accusés de « diffusion de fausses informations » et d’« incitation à la haine ». Le matériel informatique et les téléphones portables ont été saisis, et les sites internet des médias concernés sont désormais inaccessibles depuis l’Éthiopie.
Les familles des journalistes dénoncent des arrestations arbitraires et s’inquiètent pour leur sécurité. Les avocats peinent à obtenir des informations sur leur lieu de détention et sur les charges précises retenues contre eux.
Un contexte politique et sécuritaire explosif
Ces arrestations surviennent alors que le gouvernement du Premier ministre Abiy Ahmed fait face à des défis majeurs : reprise des violences dans la région d’Amhara, tensions persistantes au Tigré malgré l’accord de paix, et multiplication des manifestations étudiantes à Addis-Abeba et dans plusieurs grandes villes.
Le pouvoir accuse certains médias de « jeter de l’huile sur le feu » et de « relayer la propagande des groupes rebelles ». Mais pour de nombreux observateurs, il s’agit avant tout d’une tentative de museler la presse critique et de contrôler le récit national.
Les conséquences pour la liberté d’informer
L’Éthiopie, qui avait connu une ouverture médiatique relative après l’arrivée au pouvoir d’Abiy Ahmed en 2018, semble retomber dans ses travers autoritaires. Selon Reporters sans frontières, le pays a perdu 15 places dans le classement mondial de la liberté de la presse en 2024, en raison de la multiplication des arrestations, des intimidations et des coupures d’internet lors des périodes de crise.
Les journalistes indépendants travaillent désormais dans la peur : surveillance accrue, menaces anonymes, convocations répétées par la police. Plusieurs rédactions ont choisi l’autocensure ou l’exil, tandis que les médias d’État renforcent leur contrôle sur l’information.
Les réactions nationales et internationales
La société civile éthiopienne s’est mobilisée pour réclamer la libération des journalistes. Des associations de défense des droits humains, des syndicats de la presse et des universitaires ont publié une lettre ouverte au gouvernement, soulignant que « la liberté d’informer est un pilier de la démocratie ».
À l’international, l’Union africaine, basée à Addis-Abeba, a exprimé sa « préoccupation » et appelé au respect des engagements pris par l’Éthiopie en matière de droits fondamentaux. Les ambassades des États-Unis, de l’Union européenne et du Royaume-Uni ont également réagi, rappelant que « la liberté de la presse est essentielle à la stabilité et au développement ».

Les enjeux pour l’avenir démocratique de l’Éthiopie
L’arrestation de journalistes indépendants intervient à un moment charnière pour l’Éthiopie. Le pays, qui doit organiser des élections régionales dans plusieurs États fédérés, est confronté à une défiance croissante de la population envers les institutions. La répression des voix critiques risque d’aggraver les tensions et de miner la légitimité du pouvoir.
Pour de nombreux analystes, la solution passe par un dialogue national inclusif, la protection des libertés fondamentales et la réforme du secteur des médias. La société éthiopienne, jeune et connectée, aspire à une information libre et pluraliste.
Perspectives et solutions
Face à la détérioration du climat médiatique, plusieurs pistes sont évoquées : création d’un conseil indépendant de régulation des médias, formation des journalistes à la vérification des faits, soutien aux médias communautaires et aux plateformes numériques. Les partenaires internationaux sont appelés à renforcer leur appui à la société civile et à conditionner leur aide au respect des droits humains.
Conclusion : La liberté de la presse, enjeu vital pour l’Éthiopie
Les arrestations de journalistes à Addis-Abeba sont un test pour la démocratie éthiopienne. La liberté d’informer et d’être informé est un droit fondamental, sans lequel aucun progrès durable n’est possible. Le gouvernement doit entendre l’appel de la société civile et garantir un espace médiatique ouvert, pluraliste et sécurisé.