Le 8 mai 2025, le président français Emmanuel Macron a accueilli à l’Élysée son homologue rwandais Paul Kagame, à l’occasion d’une visite officielle placée sous le signe de la mémoire, de la réconciliation et de la relance du partenariat stratégique entre Paris et Kigali. Ce sommet, très attendu, intervient dans un contexte de tensions persistantes dans la région des Grands Lacs, de débats sur la responsabilité française dans le génocide des Tutsi de 1994 et de volonté affichée des deux dirigeants de tourner la page des incompréhensions historiques pour bâtir une coopération d’avenir.
Un rendez-vous hautement symbolique
La rencontre entre Emmanuel Macron et Paul Kagame n’est pas anodine. Elle s’inscrit dans la continuité d’un rapprochement amorcé en 2021, lorsque le chef de l’État français s’était rendu à Kigali pour reconnaître les « responsabilités lourdes et accablantes » de la France dans le génocide rwandais. Depuis, les deux pays ont multiplié les gestes de détente : échanges d’ambassadeurs, relance de la coopération culturelle, économique et sécuritaire, multiplication des visites ministérielles.
Le 8 mai, date de la victoire sur le nazisme mais aussi de la commémoration des massacres de Sétif en Algérie, a été choisie pour symboliser la volonté de la France d’assumer son histoire et de dialoguer avec ses partenaires africains sur les questions mémorielles.
Mémoire du génocide et reconnaissance officielle
Au cœur de la visite figurait la question de la mémoire du génocide des Tutsi, qui a coûté la vie à plus de 800 000 personnes entre avril et juillet 1994. Depuis des années, Kigali réclame à la France une reconnaissance pleine et entière de ses responsabilités, notamment pour le soutien au régime hutu de Juvénal Habyarimana et l’opération Turquoise, accusée d’avoir permis la fuite de nombreux génocidaires.
Emmanuel Macron, dans un discours solennel, a réaffirmé la position française : « La France n’a pas été complice, mais elle porte une responsabilité majeure dans le drame rwandais. Nous devons regarder notre histoire en face, pour mieux construire l’avenir. » Paul Kagame a salué « un pas important vers la vérité et la justice », tout en appelant à poursuivre les efforts de coopération judiciaire et à renforcer l’enseignement du génocide dans les programmes scolaires français.
Coopération sécuritaire et enjeux régionaux
Au-delà de la mémoire, la visite a permis d’aborder les enjeux sécuritaires majeurs dans la région des Grands Lacs. Le Rwanda joue un rôle clé dans la stabilisation de l’est de la RDC, où les affrontements entre l’armée congolaise, les groupes armés locaux et le M23, soutenu par Kigali selon Kinshasa, menacent la paix régionale.
La France, qui a récemment renforcé sa présence diplomatique et militaire en Afrique centrale, souhaite impliquer davantage le Rwanda dans les initiatives de médiation, de lutte contre les groupes terroristes et de sécurisation des frontières. Les deux dirigeants ont convenu de renforcer la coopération dans la lutte contre le terrorisme, le trafic d’armes et la criminalité transfrontalière.
Relance de la coopération économique et culturelle
Le sommet a également été l’occasion de relancer les échanges économiques entre la France et le Rwanda. Plusieurs accords ont été signés dans les secteurs de l’agriculture, des nouvelles technologies, de la formation professionnelle et du tourisme. La France s’engage à soutenir l’innovation rwandaise, notamment dans le domaine des fintechs et des start-ups, et à accompagner la montée en gamme du secteur touristique, avec la valorisation du patrimoine naturel et mémoriel du pays.
Sur le plan culturel, un programme d’échanges artistiques, de bourses universitaires et de coproductions cinématographiques a été annoncé, dans le but de rapprocher les jeunesses française et rwandaise et de promouvoir une image renouvelée de l’Afrique en Europe.
Témoignages et attentes de la société civile
La visite de Paul Kagame à Paris a suscité de nombreuses réactions au sein des diasporas rwandaise et congolaise, des associations mémorielles et des ONG de défense des droits humains.
Claudine, rescapée du génocide installée en France, confie : « C’est important que la France reconnaisse enfin son rôle, mais il faut aller plus loin dans la justice et l’éducation. »
Des militants congolais ont manifesté devant l’Élysée pour dénoncer le soutien présumé de Kigali au M23 et réclamer une médiation plus active de la France pour la paix dans l’est de la RDC.
Défis et perspectives d’avenir
Malgré la volonté affichée de réconciliation, les défis restent nombreux :
- La question de l’extradition des génocidaires présumés réfugiés en France,
- La gestion des tensions entre le Rwanda et la RDC,
- L’équilibre entre mémoire, justice et coopération économique.
Les deux dirigeants ont annoncé la création d’un comité bilatéral de suivi, chargé de veiller à la mise en œuvre des accords et à la poursuite du dialogue sur les questions sensibles.
Vers une nouvelle ère des relations franco-rwandaises ?
Le sommet Macron-Kagame du 8 mai 2025 marque une étape importante dans la normalisation des relations entre la France et le Rwanda. Il ouvre la voie à une coopération renouvelée, fondée sur la vérité historique, le respect mutuel et la volonté de bâtir des partenariats stratégiques au service de la paix, du développement et de la jeunesse africaine.
