Introduction
En mars 2025, l’Égypte a annoncé une hausse spectaculaire de ses avoirs extérieurs nets, qui ont progressé de 4,9 milliards de dollars en un mois. Cette évolution marque un tournant pour la première économie d’Afrique du Nord, longtemps confrontée à des déséquilibres de sa balance des paiements, à la volatilité de la livre égyptienne et à la pression sur ses réserves de change. Cette embellie, saluée par les institutions financières internationales, pose la question de la soutenabilité de la reprise égyptienne et de la capacité du pays à transformer ce regain de confiance en développement durable et inclusif.
Les fondements de la reprise des avoirs extérieurs
Un contexte de réformes structurelles
Depuis 2016, l’Égypte a engagé, sous l’égide du FMI, un vaste programme de réformes économiques : flottement de la livre, réduction des subventions énergétiques, hausse de la fiscalité, ouverture aux investissements étrangers. Ces mesures, parfois impopulaires, ont permis de stabiliser l’économie, de contenir l’inflation et de restaurer la confiance des marchés.
Reprise du tourisme et des transferts de la diaspora
La relance du secteur touristique, pilier historique de l’économie égyptienne, a joué un rôle clé dans l’amélioration des réserves de change. Après la pandémie, le pays a su rassurer les visiteurs, notamment russes, européens et arabes, grâce à une politique sanitaire rigoureuse et à la diversification de son offre (tourisme culturel, balnéaire, religieux, écologique). Parallèlement, les transferts de la diaspora, estimés à plus de 32 milliards de dollars en 2024, ont constitué une source essentielle de devises.
Investissements directs étrangers et privatisations
L’Égypte a multiplié les initiatives pour attirer les IDE, en particulier dans les secteurs de l’énergie (gaz, solaire, éolien), de l’industrie, de l’immobilier et des infrastructures. Le lancement de grands projets, comme la nouvelle capitale administrative ou le port d’El-Dekheila, a renforcé l’image d’un pays en mutation. Les privatisations partielles d’entreprises publiques ont également permis d’injecter des liquidités dans l’économie.

Les défis persistants de la stabilité financière
Dépendance aux capitaux volatils
Si la hausse des avoirs extérieurs est un signal positif, elle repose en partie sur des flux de capitaux à court terme, attirés par des taux d’intérêt élevés et la stabilité retrouvée de la livre. Cette dépendance expose l’Égypte à des risques de sorties massives en cas de choc externe ou de perte de confiance.
Service de la dette et vulnérabilité externe
La dette extérieure de l’Égypte a atteint 166 milliards de dollars fin 2024, soit près de 40 % du PIB. Le service de la dette absorbe une part croissante des recettes d’exportation, limitant la marge de manœuvre budgétaire et augmentant la vulnérabilité du pays aux variations des taux d’intérêt mondiaux et du dollar.
Inflation et pouvoir d’achat
Malgré la stabilité monétaire, l’inflation reste élevée (12,1 % en mars 2025), pesant sur le pouvoir d’achat des ménages et alimentant les tensions sociales. Le gouvernement doit arbitrer entre soutien à la croissance, maîtrise des prix et protection des populations vulnérables.
Les perspectives de développement durable
Diversification économique et montée en gamme
L’Égypte mise sur la diversification de son économie pour réduire sa dépendance aux secteurs traditionnels. Le développement de la filière gaz naturel liquéfié (GNL), l’essor des énergies renouvelables et la montée en puissance de l’industrie pharmaceutique et agroalimentaire sont autant de leviers pour renforcer la résilience du pays.

Investissement dans le capital humain
L’éducation, la santé et la formation professionnelle sont au cœur de la nouvelle stratégie nationale. Le gouvernement ambitionne de former une main-d’œuvre qualifiée, capable de répondre aux besoins d’une économie moderne et compétitive.
Intégration régionale et coopération internationale
L’Égypte joue un rôle central dans les initiatives d’intégration régionale (COMESA, ZLECAf) et cherche à renforcer ses partenariats avec l’Europe, le Golfe et l’Asie. Les accords de libre-échange, la coopération en matière de sécurité alimentaire et la diplomatie du Nil sont des axes majeurs de la politique extérieure.
Conclusion
La hausse record des avoirs extérieurs nets de l’Égypte en mars 2025 témoigne d’une embellie économique et financière, fruit de réformes courageuses et d’une conjoncture internationale favorable. Mais la route vers une stabilité durable reste semée d’embûches : gestion prudente de la dette, lutte contre l’inflation, investissement dans le capital humain et diversification de l’économie seront les clés pour transformer cette reprise en développement inclusif.