Dossier Africanova Guerre et Paix  – La guerre préventive est-elle légale ? Israël a-t-il le droit d’attaquer l’Iran pour des raisons de survie ? Quels risques et quels avantages pour la paix ?

Introduction : Un tournant dans la conflictualité régionale

L’attaque massive d’Israël contre des sites militaires et nucléaires en Iran, suivie de la riposte iranienne par des salves de missiles balistiques, a plongé le Moyen-Orient dans une nouvelle spirale de violence12. Ce regain de tension pose avec acuité la question de la légalité de la guerre préventive, du droit d’Israël à attaquer l’Iran au nom de sa sécurité, et des conséquences potentielles pour la paix régionale et mondiale.

1. La guerre préventive au regard du droit international

La Charte des Nations unies, dans son article 2(4), interdit le recours à la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un État. Seule exception : la légitime défense en cas d’attaque armée, prévue à l’article 51. Or, la notion de « guerre préventive » – c’est-à-dire frapper un adversaire avant qu’il ne devienne une menace imminente – n’est pas reconnue par le droit international3.

Les frappes israéliennes sur l’Iran, justifiées par Tel Aviv comme une mesure de « survie nationale » face au programme nucléaire iranien, relèvent donc d’une interprétation unilatérale du droit à la légitime défense. Selon Ben Saul, rapporteur spécial de l’ONU, « les frappes d’Israël contre l’Iran constituent un recours à la force interdit par l’article 2(4) de la Charte, une attaque armée au sens de l’article 51 donnant à l’Iran un droit à la légitime défense, et vraisemblablement un crime international d’agression ».

2. Israël : sécurité nationale ou violation du droit ?

Israël affirme agir pour empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire, considérant que la République islamique représente une menace existentielle25. Le ministre israélien de la Défense a explicitement évoqué une « attaque préventive », tout en instaurant un état d’urgence spécial dans le pays.

Mais cette doctrine, qui consiste à frapper le premier pour éviter un péril futur, est largement contestée. Si Israël se prévaut de précédents historiques (guerre des Six Jours, frappes contre l’Irak en 1981, la Syrie en 2007), la communauté internationale demeure divisée. Pour la majorité des juristes, le « droit à la survie » ne saurait justifier une guerre préventive sans preuve d’une menace imminente et avérée.

3. L’Iran : droit à la riposte et légitime défense

En réaction aux frappes israéliennes, l’Iran a invoqué son « droit légal et légitime » de riposter, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies4. Les autorités iraniennes ont lancé des missiles balistiques sur Israël, affirmant agir en légitime défense face à une agression armée.

Cette lecture du droit international est soutenue par de nombreux États et experts, qui estiment que la réponse iranienne, bien que dangereuse pour la stabilité régionale, s’inscrit dans le cadre des normes onusiennes.

4. Risques pour la paix : escalade régionale et mondiale

La multiplication des frappes et contre-frappes entre Israël et l’Iran fait planer le spectre d’une escalade incontrôlée, susceptible d’embraser tout le Moyen-Orient. Les risques sont multiples :

  • Extension du conflit : implication du Hezbollah au Liban, des milices chiites en Irak, des Houthis au Yémen.
  • Déstabilisation économique : flambée des prix du pétrole, fermeture de l’espace aérien, perturbation des échanges mondiaux.
  • Crise humanitaire : victimes civiles, déplacements de populations, destruction d’infrastructures.

L’ONU, l’Union européenne et de nombreux États appellent à la retenue et à la reprise du dialogue, mais la situation reste volatile.

5. Avantages et limites d’une stratégie de « préemption »

Israël avance que sa stratégie vise à préserver la paix à long terme en empêchant l’Iran de devenir une puissance nucléaire. Mais cette logique comporte d’importants risques :

  • Perte de légitimité internationale : en agissant en dehors du cadre onusien, Israël s’expose à des critiques et à un isolement diplomatique.
  • Effet boomerang : la riposte iranienne et la montée de l’hostilité régionale pourraient renforcer les partisans de la confrontation, affaiblir les modérés et rendre toute solution négociée plus difficile.
  • Course à l’armement : l’exemple israélien pourrait inciter d’autres États à adopter des doctrines similaires, fragilisant le système de sécurité collective.

6. Quelles perspectives pour la paix ?

À court terme, l’escalade militaire compromet les chances d’une désescalade diplomatique. Mais certains analystes estiment que la démonstration de force pourrait, à terme, pousser les parties à la table des négociations, sous la pression internationale et la crainte d’un conflit généralisé.

La paix ne pourra être durable que si le droit international est respecté, si les garanties de sécurité sont réciproques et si les grandes puissances jouent un rôle de médiation impartiale.

Conclusion

La guerre préventive, telle que menée par Israël contre l’Iran, reste illégale au regard du droit international, sauf preuve d’une menace imminente. Si la sécurité d’Israël est un enjeu légitime, elle ne saurait justifier une violation unilatérale des règles de la Charte des Nations unies. Les risques d’escalade régionale, de déstabilisation économique et de crise humanitaire l’emportent sur les avantages supposés pour la paix. Seul un retour au dialogue, sous l’égide de la communauté internationale, pourra ouvrir la voie à une solution durable.

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