La signature de l’Accord de Doha, censée ramener la paix à l’est du Congo, suscite un mélange de soulagement prudent et de doutes profonds chez les Congolaises et Congolais. Si beaucoup voient dans l’initiative du Qatar le début d’un apaisement, d’autres, marqués par les échecs des accords antérieurs (Sun City, Nairobi, Addis-Abeba), redoutent une répétition des anciennes erreurs : compromissions entre élites armées, absence de justice pour les victimes, lenteur de la mise en œuvre et résilience d’un climat de défiance.
Un pays usé par la guerre, lassé des promesses
Depuis plus de deux décennies, la RDC connaît une succession de cycles de négociation, de brefs moments d’accalmie et de flambées de violence. Les Congolais, notamment de l’Est, ont souvent été et demeurent les oubliés des grandes annonces internationales. “Ici, à Goma, chaque fois que les chefs signent un papier, on attend et on continue de compter les morts”, raconte Henriette, institutrice déplacée du Nord-Kivu.
L’accord de Doha tient ses promesses sur le papier : désarmement, relocalisation, libération des prisonniers, dialogue inclusif. Mais sur le terrain, les populations redoutent la fragmentation du pouvoir, les rivalités claniques et la poursuite de trafics (coltan, or, bois précieux) par des groupes armés et certains responsables corrompus.
Incompréhensions, tensions et fatigue sociale
Une partie de la société civile critique les exclus du processus : victimes de violences sexuelles, déplacés sans voix, veuves des massacres oubliés de Beni, jeunes sans perspective. “On signe à Doha, mais la paix ne se décrète pas à distance : elle se construit dans la justice, le dialogue sur le terrain et la prise en compte de nos besoins réels”, explique un membre du collectif Lucha.
Nombre d’organisations internationales ont également exprimé leur scepticisme. Si la présence du Qatar augure d’un meilleur suivi, la communauté internationale reste divisée sur la suite : certains prônent l’intégration militaire des factions rebelles, d’autres insistent sur un désarmement strict et la limitation du rôle de l’armée congolaise, accusée elle aussi de dérives.

Quelle crédibilité pour l’accord ?
Des voix — y compris d’anciens chefs rebelles — dénoncent “un accord de façade” destiné à rassurer les bailleurs et à maintenir les flux d’aide. Sur les réseaux sociaux, vidéos et messages d’alerte circulent sur le “double-jeu” de certains médiateurs.
Pourtant, des signes nouveaux émergent. Les réseaux citoyens prennent le relais de l’information, rendent visibles les problèmes de terrain et surveillent l’application de l’accord. Les jeunes se forment à la médiation communautaire, illustrant une volonté d’agir sans attendre l’État ou les forces internationales.
L’espoir tenace d’un changement « par le bas »
En filigrane, une idée progresse : la nécessité de passer d’une paix négociée à une paix construite localement. L’appui à des écoles rurales, la formation de coopératives, le retour du dialogue interethnique et l’intégration des femmes dans la gouvernance des villages sont perçus comme des gages de stabilité bien plus durables que les traités signés dans les palaces du Golfe.
Pour la RDC, l’avenir de la paix se jouera d’abord auprès des communautés, dans leur capacité à reconstruire la confiance textile par textile, village par village, génération par génération.