La crise humanitaire qui sévit au Cameroun est aujourd’hui qualifiée par le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) comme la plus négligée du monde. Cette affirmation, loin d’être anodine, met en lumière l’ampleur d’un drame silencieux qui touche des millions de personnes, principalement dans les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord. Entre conflits armés, déplacements massifs et accès limité à l’aide, la situation humanitaire au Cameroun interpelle la communauté internationale sur ses responsabilités et sur la nécessité d’une mobilisation urgente.
Un conflit oublié aux conséquences dévastatrices
Depuis 2016, le Cameroun est plongé dans une crise profonde, alimentée par le conflit entre les forces gouvernementales et les groupes séparatistes anglophones. À cela s’ajoute la menace persistante de Boko Haram dans l’Extrême-Nord, qui continue de semer la terreur et de provoquer des déplacements massifs de populations. Selon les estimations des Nations unies, plus de 4,7 millions de personnes ont aujourd’hui besoin d’une assistance humanitaire, tandis que près de 1,1 million sont déplacées à l’intérieur du pays.
Les conséquences de cette crise sont multiples : insécurité alimentaire, manque d’accès à l’eau potable, effondrement des systèmes de santé et d’éducation, violences sexuelles et basculement de milliers de familles dans la précarité. Les enfants, particulièrement vulnérables, paient un lourd tribut à cette situation, privés d’école et exposés aux risques de recrutement par des groupes armés.
Un accès humanitaire de plus en plus compliqué
L’un des principaux défis de la réponse humanitaire au Cameroun réside dans l’accès aux populations affectées. Les régions en crise sont souvent difficiles d’accès en raison de l’insécurité, des barrages routiers et des restrictions imposées par les autorités. Les travailleurs humanitaires, locaux comme internationaux, opèrent dans des conditions extrêmement précaires, exposés aux enlèvements et aux attaques.
Les ONG dénoncent régulièrement le manque de financements et l’insuffisance de la couverture médiatique. Selon le NRC, le Cameroun reçoit moins de 40% des fonds nécessaires pour répondre aux besoins urgents, une situation qui limite drastiquement la capacité des acteurs humanitaires à intervenir efficacement. Cette invisibilité médiatique contribue à l’indifférence générale et à la faiblesse de la mobilisation internationale.

Témoignages et initiatives locales
Malgré les difficultés, des initiatives locales voient le jour pour venir en aide aux populations. Des associations camerounaises, souvent soutenues par la diaspora, organisent des distributions de vivres, des soins médicaux et des programmes de soutien psychologique. Les femmes jouent un rôle central dans ces actions, prenant en charge les enfants déplacés et créant des réseaux de solidarité dans les camps informels.
Des témoignages poignants émergent de ces zones de crise. Amina, mère de trois enfants déplacée dans la région de Bamenda, raconte : « Nous avons tout perdu, mais nous essayons de survivre grâce à l’entraide. L’aide internationale est rare, alors nous comptons sur nos propres forces. » Ce type de résilience, bien que remarquable, ne saurait remplacer une réponse humanitaire structurée et soutenue.
Un appel à la mobilisation internationale
Le classement du Cameroun comme crise la plus négligée du monde par le NRC vise à alerter les bailleurs de fonds, les institutions internationales et les médias. Il s’agit de rappeler que l’indifférence tue autant que la violence, et que des millions de vies sont en jeu. Les experts appellent à une augmentation significative des financements, à un accès humanitaire sans entrave et à une médiatisation accrue de la situation.
La crise camerounaise pose également la question de la prévention des conflits et de la nécessité d’un dialogue politique inclusif. Sans une solution politique durable, les efforts humanitaires risquent de rester insuffisants face à l’ampleur des besoins.
Le Cameroun, longtemps considéré comme un îlot de stabilité en Afrique centrale, se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. La mobilisation de la communauté internationale, mais aussi des acteurs locaux et régionaux, sera déterminante pour éviter une catastrophe humanitaire de plus grande ampleur.