LE CAP, Afrique du Sud – Alors que le monde célèbre le 10e anniversaire de l’Accord de Paris sur le climat, l’Afrique se trouve à un carrefour crucial. Le continent, particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique, émerge paradoxalement comme un laboratoire d’innovations en matière d’adaptation et d’atténuation.
Une vulnérabilité accrue
« L’Afrique est responsable de moins de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais elle subit de plein fouet les conséquences du changement climatique », rappelle Inger Andersen, directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), lors de la Semaine africaine du climat à Le Cap.
Les impacts sont déjà visibles :
- Sécheresses prolongées dans la Corne de l’Afrique
- Inondations dévastatrices en Afrique de l’Ouest
- Élévation du niveau de la mer menaçant les zones côtières
- Désertification accélérée dans le Sahel
« Nous assistons à une augmentation de 20% des déplacements liés au climat depuis 2020 », alerte Dina Ionesco de l’Organisation internationale pour les migrations.
Des solutions innovantes
Face à ces défis, l’Afrique ne reste pas les bras croisés. De nombreuses initiatives innovantes émergent à travers le continent :
- La Grande Muraille Verte : Ce projet ambitieux vise à créer une barrière d’arbres de 8000 km à travers le Sahel pour lutter contre la désertification. « Nous avons déjà restauré plus de 4 millions d’hectares », se félicite Elvis Paul Tangem, coordinateur de l’initiative.
- L’agriculture climato-intelligente : Au Kenya, des agriculteurs utilisent des techniques d’agriculture de précision assistées par satellite pour optimiser l’utilisation de l’eau et des engrais.
- Les énergies renouvelables : Le Maroc est devenu un leader mondial de l’énergie solaire avec son complexe Noor Ouarzazate, la plus grande centrale solaire concentrée du monde.
- La finance climatique : Le Nigeria a émis la première obligation verte souveraine d’Afrique, levant 30 millions de dollars pour des projets d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.
L’Afrique, futur leader de l’économie verte ?
Pour de nombreux experts, l’Afrique a le potentiel de devenir un leader mondial de l’économie verte. « Le continent dispose d’immenses ressources en énergies renouvelables et d’une population jeune et innovante », souligne Carlos Lopes, ancien secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique.
Cette transition vers une économie verte pourrait créer jusqu’à 60 millions d’emplois sur le continent d’ici 2030, selon l’Organisation internationale du travail.
Les défis à surmonter
Malgré ces perspectives prometteuses, des obstacles persistent :
- Le financement : « L’Afrique n’a reçu que 5% des financements climatiques mondiaux en 2024 », déplore Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement.
- Le transfert de technologies : L’accès aux technologies vertes reste limité pour de nombreux pays africains.
- La gouvernance : La mise en œuvre effective des politiques climatiques reste un défi dans certains pays.
Vers une approche panafricaine
Face à ces défis, les pays africains renforcent leur coopération. L’Union africaine a adopté en 2024 une stratégie climatique commune, visant à harmoniser les politiques nationales et à renforcer la voix de l’Afrique dans les négociations internationales sur le climat.
« Nous ne pouvons plus nous permettre d’agir en ordre dispersé », affirme Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine. « Le changement climatique est un défi existentiel pour notre continent, et nous devons y répondre de manière unie et déterminée. »
Alors que le monde se prépare à la COP30, prévue pour la première fois dans un pays africain en 2025, le continent a l’opportunité de montrer la voie vers un développement résilient et durable. L’Afrique, longtemps considérée comme victime du changement climatique, pourrait bien devenir le fer de lance des solutions pour y faire face.