La crise anglophone qui secoue le Cameroun depuis 2016 continue de plonger le pays dans l’incertitude et la douleur. Ce week-end, de nouveaux affrontements ont éclaté dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, faisant plusieurs victimes civiles et militaires. Malgré les appels au dialogue et les initiatives gouvernementales, le conflit semble s’enliser, alimentant la défiance, la peur et la lassitude au sein de la population.
Une crise qui s’enracine
À l’origine, la crise anglophone trouve ses racines dans la marginalisation ressentie par les populations des régions anglophones, héritage de la colonisation britannique et française. Les revendications initiales portaient sur la reconnaissance de l’anglais dans l’administration, l’éducation et la justice. Mais la répression des premières manifestations en 2016 a radicalisé une partie du mouvement, donnant naissance à des groupes séparatistes armés qui réclament aujourd’hui l’indépendance de l’Ambazonie.
Nouvelles violences, populations piégées
Les combats de ce week-end ont opposé l’armée camerounaise à des groupes séparatistes dans plusieurs localités du Nord-Ouest. Selon des sources locales, des villages ont été incendiés et des dizaines de familles déplacées. Les écoles et les marchés sont souvent fermés, la peur règne dans les rues, et l’accès humanitaire est de plus en plus difficile. Les ONG dénoncent des exactions de part et d’autre, des enlèvements et des violences sexuelles.
« Nous vivons dans la peur permanente. Les enfants ne vont plus à l’école, nous avons perdu tout espoir de retour à la normale », confie une mère de famille réfugiée à Bamenda.
Un dialogue national en panne
Face à la persistance du conflit, le gouvernement camerounais a organisé en 2019 un « Grand Dialogue National », censé ouvrir la voie à la réconciliation. Mais pour beaucoup d’observateurs, ce processus a été largement insuffisant : les principaux leaders séparatistes n’y ont pas participé, et les mesures annoncées (décentralisation, création de régions spéciales) peinent à se traduire sur le terrain.
Les opposants dénoncent un manque de volonté politique et une militarisation excessive de la réponse à la crise. Les autorités, de leur côté, mettent en avant la nécessité de restaurer l’ordre et de lutter contre le terrorisme.
La société civile en quête de solutions
De nombreuses voix s’élèvent pour réclamer une relance du dialogue, plus inclusif et axé sur les causes profondes du malaise anglophone. Les Églises, les associations et les chefs traditionnels jouent un rôle de médiation, mais se heurtent à la méfiance des belligérants. Les jeunes, en particulier, paient le prix fort de la crise : déscolarisation, chômage, migrations forcées.

Des initiatives citoyennes, comme les « caravanes de la paix » ou les plateformes de dialogue intercommunautaire, tentent de recréer du lien et de sensibiliser à la non-violence. Mais sans engagement fort de l’État et des partenaires internationaux, ces efforts restent limités.
Un enjeu régional et international
La crise camerounaise inquiète au-delà des frontières. Les flux de réfugiés vers le Nigeria voisin, les risques de déstabilisation régionale et la circulation des armes font craindre une extension du conflit. L’Union africaine, l’ONU et plusieurs chancelleries occidentales appellent régulièrement à la retenue et à la reprise du dialogue, mais peinent à influer sur le cours des événements.
Quelles perspectives ?
Pour sortir de l’impasse, de nombreux experts plaident pour une solution politique négociée, fondée sur la reconnaissance des spécificités culturelles et linguistiques, la justice pour les victimes et la reconstruction des régions sinistrées. La route sera longue, mais sans dialogue sincère, le Cameroun risque de s’enfoncer dans une crise durable, aux conséquences tragiques pour l’ensemble du pays.