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Cameroun à la veille de la présidentielle : crimes, instabilité et crise de la violence dans la démocratie

par Africanova
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Introduction

À quelques mois de l’élection présidentielle prévue fin 2025, le Cameroun traverse une période d’instabilité marquée par une recrudescence de la criminalité, des violences de toutes sortes et une défiance croissante envers les institutions. Meurtres d’enfants, féminicides, massacres impunis, banditisme, crise sécuritaire dans les régions anglophones, montée de la violence politique : la société camerounaise est sous tension. Ce dossier analyse les causes, les formes et les conséquences de cette insécurité, en s’appuyant sur des cas récents emblématiques, et interroge la capacité de la démocratie camerounaise à répondre à la demande de justice et de sécurité de ses citoyens.

I. Crimes et faits divers : une société sous le choc

Meurtre du petit Mathis : l’émotion nationale

Le 9 mai 2025, le meurtre brutal du petit Mathis, six ans, à Yaoundé a bouleversé le Cameroun. L’affaire, largement relayée sur les réseaux sociaux et dans la presse, a suscité une vague d’émotion et d’indignation nationale1. Ce drame, qui s’ajoute à d’autres affaires de violence contre les enfants, met en lumière la vulnérabilité des plus jeunes et l’impuissance des familles face à la criminalité urbaine.

Féminicides : la justice en accusation

Entre janvier et avril 2025, au moins 54 femmes ont été victimes de féminicides au Cameroun, selon les associations de défense des droits des femmes2. L’affaire Diane Yangwo, enseignante battue à mort par son mari en novembre 2023 à Douala, a provoqué une onde de choc : le verdict, rendu le 1er avril 2025, a condamné l’auteur à cinq ans de prison avec sursis et une amende de 52 000 francs CFA (environ 80 euros), suscitant l’indignation et des manifestations à Yaoundé et Douala. Ce verdict, jugé trop clément, a mis en lumière les failles du système judiciaire et la banalisation des violences faites aux femmes.

Selon la militante féministe Ngobo Ekotto, cette affaire révèle « le déni total de la présence des violences faites aux femmes » dans le pays2. Le code pénal, qui prévoit une réduction automatique de peine en cas de plaider coupable, est accusé de créer une échappatoire pour les auteurs de féminicides, rendant la justice presque symbolique7.

Massacres et impunité dans les régions anglophones

Depuis 2016, les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont le théâtre d’une violence brutale liée au conflit séparatiste anglophone. Les groupes armés et les forces de sécurité gouvernementales sont accusés de graves exactions contre les civils : enlèvements, assassinats, incendies de villages, extorsions5. Le massacre de Ngarbuh, en février 2020, où 21 civils dont 13 enfants ont été tués par des soldats et des miliciens peuls, reste emblématique de l’impunité persistante. Malgré l’ouverture d’un procès, la procédure est lente, entachée d’irrégularités, et aucun officier de haut rang n’a été condamné.

II. Violence, instabilité et climat politique à l’approche de la présidentielle

Banditisme et criminalité urbaine

À Yaoundé, Douala et dans d’autres grandes villes, la criminalité urbaine explose : vols à main armée, enlèvements, agressions, trafic de drogue. Les forces de police, souvent débordées et mal équipées, peinent à endiguer le phénomène. La défiance envers les institutions s’accroît, alimentée par la corruption, l’impunité et le sentiment d’abandon des populations.

Violence politique et répression

À l’approche de la présidentielle, la tension monte entre le pouvoir et l’opposition. Des militants pacifistes et des figures de la société civile, comme Abdu Karim Ali, sont condamnés à de lourdes peines de prison pour leurs opinions ou leur engagement en faveur de la paix dans les régions anglophones4. Les manifestations sont régulièrement dispersées, les médias indépendants muselés, et la peur de la répression plane sur la société.

Violences faites aux femmes : un enjeu démocratique

La recrudescence des violences faites aux femmes, des féminicides et des mariages forcés interroge la capacité de l’État à protéger ses citoyennes et à garantir l’égalité devant la loi. Selon ONU Femmes, plus de 51 % des femmes camerounaises ont subi des violences, et près de 20 % sont victimes de mutilations génitales ou de mariages précoces. La crise sécuritaire aggrave la situation, notamment dans l’Extrême-Nord, où les femmes déplacées sont exposées au viol, à l’exploitation et à la précarité.

III. Les causes profondes de la violence : crise sociale, défiance et impunité

Pauvreté, chômage et désespoir

Le chômage des jeunes, la pauvreté urbaine, la précarité des familles et l’absence de perspectives économiques alimentent la criminalité et la violence. Les jeunes, privés d’avenir, sont plus vulnérables au recrutement par les groupes armés ou criminels.

Défiance envers la justice et l’État

Les scandales judiciaires, les verdicts jugés trop cléments, la lenteur des procédures et la corruption minent la confiance dans la justice. Les citoyens dénoncent un système à deux vitesses, où les puissants échappent aux sanctions et où les victimes peinent à obtenir réparation.

Crise sécuritaire et militarisation

La militarisation du conflit anglophone, la prolifération des milices et la circulation des armes accentuent l’insécurité. Les populations civiles se retrouvent prises en étau entre les groupes armés séparatistes et les forces de sécurité, toutes deux responsables d’exactions.

IV. La violence en question dans une démocratie

Un système démocratique fragilisé

Le Cameroun, officiellement république démocratique, voit sa démocratie fragilisée par la violence, la répression et l’impunité. Les élections sont souvent entachées de fraudes, d’intimidations et de violences politiques. La société civile, les ONG et les médias indépendants sont sous pression, et l’espace civique se rétrécit.

Les risques pour la présidentielle de 2025

À quelques mois du scrutin, le risque d’escalade de la violence est réel : instrumentalisation des tensions communautaires, attaques ciblées contre l’opposition, manipulation de la justice. La crédibilité de l’élection dépendra de la capacité des autorités à garantir la sécurité, la transparence et la participation de tous.

Les attentes de la société

La société camerounaise, malgré la peur et la colère, réclame justice, sécurité et respect des droits fondamentaux. Les mobilisations contre les féminicides, les manifestations pour la paix dans les régions anglophones, les appels à la réforme de la justice témoignent d’une aspiration profonde à un État de droit effectif.

V. Quelles pistes pour sortir de la crise ?

Réforme de la justice et lutte contre l’impunité

Renforcer l’indépendance de la justice, accélérer les procédures, garantir la protection des victimes et sanctionner réellement les auteurs de violences sont des priorités. La réforme du code pénal et la formation des magistrats sont indispensables pour restaurer la confiance.

Dialogue politique et réconciliation

Un dialogue inclusif, impliquant l’opposition, la société civile et les communautés, est nécessaire pour apaiser les tensions et préparer une élection crédible. La résolution du conflit anglophone passe par la négociation, la décentralisation et le respect des droits des minorités.

Protection des femmes et des enfants

Des politiques spécifiques doivent être mises en place pour protéger les femmes et les enfants : lutte contre les violences domestiques, accès à la justice, soutien psychologique, éducation et autonomisation économique. Les ONG et les associations locales jouent un rôle crucial dans l’accompagnement des victimes6.

Sécurité et développement

La réponse sécuritaire doit être complétée par des politiques de développement : création d’emplois, soutien à l’entrepreneuriat, investissement dans l’éducation et la santé. La prévention de la violence passe par l’inclusion sociale et la réduction des inégalités.

Conclusion

À la veille de la présidentielle de 2025, le Cameroun fait face à une crise profonde de la violence et de l’instabilité. Les crimes, les féminicides, l’impunité et la défiance envers les institutions fragilisent la démocratie et menacent la paix civile. Seule une réponse globale, alliant justice, dialogue, protection des plus vulnérables et développement, permettra de restaurer la confiance et de préparer un avenir plus sûr et plus juste pour tous les Camerounais.

Conclusion

À la veille de la présidentielle de 2025, le Cameroun se trouve à la croisée des chemins. La montée de la violence, la multiplication des crimes impunis, la crise sécuritaire dans les régions anglophones et la défiance envers les institutions menacent non seulement la cohésion nationale, mais aussi la survie même de la démocratie camerounaise. Pourtant, au cœur de cette tourmente, une aspiration profonde à la paix, à la justice et à la stabilité s’exprime dans toute la société.

L’histoire récente du pays a montré que la tentation de la force, de la répression et de la division ne fait qu’aggraver les fractures et alimenter les cycles de violence. À l’approche d’une transition politique majeure, il est plus que jamais crucial de préparer l’après-Biya dans un esprit de responsabilité collective, de dialogue et de négociation. La paix ne peut être préservée que si tous les acteurs, du pouvoir à l’opposition, des communautés locales à la société civile, s’engagent à éviter l’allumage des feux de la haine et à rejeter les discours de guerre.

Le Cameroun a besoin d’un véritable pacte national pour la paix : un processus de réconciliation inclusif, où les blessures du passé sont reconnues, où la justice est rendue aux victimes, et où les aspirations de chaque région et de chaque groupe sont entendues. Préparer l’après-Biya, c’est refuser la tentation de la revanche ou de l’exclusion, et construire ensemble un avenir fondé sur l’État de droit, le respect des droits humains, la décentralisation et la solidarité.

La responsabilité des élites politiques, des leaders religieux, des intellectuels et des médias est immense : ils doivent promouvoir la culture du dialogue, désamorcer les tensions, et offrir à la jeunesse camerounaise des perspectives de paix et de progrès. La communauté internationale, les partenaires régionaux et les organisations africaines ont également un rôle à jouer pour accompagner cette transition et prévenir toute dérive vers la violence ou la guerre civile.

Le fragile équilibre du Cameroun, forgé au fil des décennies, ne doit pas être sacrifié sur l’autel des intérêts partisans ou des ambitions personnelles. C’est dans la paix, la négociation et la justice que réside la véritable force du pays. À l’aube d’une nouvelle ère, le Cameroun peut choisir d’être un exemple de transition apaisée et de démocratie renouvelée pour toute l’Afrique centrale. La voie de la sagesse, du dialogue et de la réconciliation est la seule qui permettra d’éviter le chaos et d’ouvrir un horizon d’espérance à tous les Camerounais.

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