Le 29 janvier 2025, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont officiellement quitté la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cette rupture historique, prélude à une reconfiguration institutionnelle majeure, clôt une année de tensions diplomatiques, sociales et sécuritaires dans une région déjà exposée à de nombreux défis. Les trois États, dirigés depuis des coups d’État militaires, ont justifié leur retrait par un sentiment croissant d’ingérence et de sanctions jugées « illégitimes », et entendent désormais s’organiser hors du cadre ouest-africain classique en créant la Confédération des États du Sahel (CES).
Un divorce longuement négocié
Le retrait officiel, qui faisait suite à une annonce un an plus tôt, se présente comme l’aboutissement d’un bras de fer avec la CEDEAO, laquelle avait imposé des sanctions économiques et une suspension politique après les coups d’État successifs au Mali, au Burkina et au Niger. Ces mesures visaient notamment à restaurer les régimes démocratiques et à renforcer la stabilité régionale. La décision des trois pays, malgré les pressions diplomatiques, révèle une volonté ferme d’affirmer une souveraineté retrouvée et une gestion autonome de leur destinée.
La CEDEAO, confrontée à cette défection, a décidé de « maintenir ses portes ouvertes au dialogue », tout en soulignant l’inquiétude quant à la fragmentation de la zone ouest-africaine et à ses conséquences sécuritaires et économiques.
La Confédération des États du Sahel : une ambition régionale nouvelle
Au-delà du retrait, les trois États sahéliens se sont engagés dans la création de la CES, une alliance politique et économique destinée à affronter ensemble les défis régionalistes écrasants. Cette confédération ambitionne de coordonner les politiques de sécurité dans une zone particulièrement affectée par la menace djihadiste, notamment par des groupes comme Al-Qaïda au Maghreb islamique ou l’État islamique dans le Grand Sahara.
Sur le plan économique, la CES promet de favoriser le commerce intra-régional, la libre circulation des citoyens, et la mise en œuvre de projets d’infrastructures conjoints afin d’attirer les investissements étrangers et de stimuler la croissance.
Conséquences politiques et sécuritaires
Le retrait du Mali, Burkina Faso et Niger déstabilise notablement la CEDEAO, qui perd trois de ses membres les plus affectés par les insurrections armées. La coopération militaire et le partage de renseignements sur le terrorisme risquent d’en pâtir, alors même que la menace djihadiste s’intensifie.
Par ailleurs, cette reconfiguration modifie l’équilibre politique régional. D’autres États de la sous-région, comme le Togo ou le Bénin, sont désormais sur le front de la lutte anti-terroriste dans un cadre communautaire affaibli.
La décision affirme aussi une recomposition géostratégique, certains observateurs notant l’influence croissante de partenaires extra-régionaux comme la Chine, la Russie et la Turquie auprès des autorités sahéliennes.
Impact socio-économique pour les populations
Le divorce avec la CEDEAO menace plusieurs acquis sociaux et économiques forçant les ressortissants des trois pays à réévaluer leurs droits de circulation et d’immigration dans l’espace ouest-africain. Le risque est réel que, sans accord bilatéral compensatoire, les millions de citoyens perdent la liberté de séjour et d’entreprendre dans les États membres de la CEDEAO.
Économiquement, le retrait pourrait aussi ralentir les programmes d’aide et d’investissement, notamment ceux financés par des bailleurs institutionnels via la CEDEAO. Cette perspective inquiète les milieux d’affaires et les sociétés civiles locales.
Une région dans la tourmente : entre souveraineté et fragmentation
Loin d’être un simple coup d’éclat politique, ce retrait incarne la montée d’un sentiment d’aliénation envers les institutions ouest-africaines. Il s’inscrit dans une logique de souveraineté renforcée, mais au prix d’une fragmentation potentiellement dangereuse pour la stabilité régionale. Le Sahel, zone déjà fragilisée par la lutte contre le terrorisme, la pauvreté et le changement climatique, pourrait pagayer dans le flou institutionnel.
Les États de la CES devront désormais relever des défis lourds afin de se doter de mécanismes efficaces de gouvernance, de sécurité et de développement, tout en construisant une véritable cohésion entre des pays marqués par des crises politiques et des disparités socio-économiques.
Perspectives pour l’Afrique de l’Ouest et les partenaires internationaux
Face à cette fracture, plusieurs acteurs internationaux appellent à la reprise du dialogue, notamment la France qui reste un acteur clé dans la région, l’Union européenne, la Banque mondiale et les Nations unies.
L’enjeu est de trouver un équilibre entre respect de la souveraineté sahélienne et maintien d’une coopération régionale pertinente pour la paix et le développement.