Introduction : Une crise politique européenne autour de la réforme anticorruption ukrainienne
Le 24 juillet 2025, un nouvel épisode de tension diplomatique est venu perturber le cheminement de l’Ukraine vers l’Union européenne : le gouvernement allemand, par la voix de la chancelière et du ministre des Affaires étrangères, a publiquement accusé Kiev de « freiner considérablement » le processus d’adhésion à l’UE en adoptant une loi controversée affaiblissant l’indépendance des agences anticorruption nationales. Cette posture ferme est aussitôt relayée par Bruxelles : elle traduit une inquiétude croissante sur la solidité de l’État de droit en Ukraine à un moment crucial de son histoire européenne.
Le contenu de la loi, source d’inquiétudes majeures
Adoptée début juillet 2025 dans un contexte de conflictualité politique intense, la nouvelle loi permet un contrôle accru du gouvernement ukrainien et du président sur les directions des principales agences anticorruption, en leur retirant l’autonomie institutionnelle qui avait fait la fierté des réformes antérieures. Plusieurs dispositions donnent la possibilité à l’exécutif de nommer et de révoquer les responsables de la NABU (Bureau national anticorruption) et de la SAPO (parquet anticorruption spécialisé) sans procès réellement contradictoire, sapant, aux yeux de la Commission européenne comme du Bundestag, l’un des piliers de la « bonne gouvernance » réclamée pour tout candidat à l’adhésion.
Les réactions à Berlin et Bruxelles : fermeté et conditionnalité
Pour l’Allemagne — moteur historique de l’élargissement — cette législation marque un « retour en arrière » inacceptable. Les responsables allemands rappellent que la lutte effective contre la corruption et l’existence d’organes indépendants sont des conditions sine qua non à toute ouverture de négociation d’adhésion, et préviennent :
- Le soutien politique, économique et militaire à l’Ukraine demeure conditionné à des engagements irréversibles sur la transparence, l’état de droit, et l’autonomie des institutions de contrôle.
- Si Kiev ne revient pas rapidement sur cette réforme, Berlin et plusieurs autres capitales européennes pourraient exiger un gel temporaire de l’avancée du dossier d’adhésion.
Du côté de la Commission européenne, la présidente Ursula von der Leyen a exprimé une « profonde préoccupation », exigeant un rapport détaillé sur les conséquences de la réforme et appelant à un dialogue d’urgence entre Bruxelles et Kiev pour « restaurer la confiance mutuelle ».
Les conséquences pour la diplomatie ukrainienne
Sur fond de guerre et de dépendance intense de l’Ukraine aux aides occidentales, cet avertissement est pris au sérieux à Kiev. Le gouvernement Zelensky fait face à une double pression : apaiser les inquiétudes européennes sans perdre le contrôle politique sur des institutions jugées stratégiques pour l’effort de guerre. L’opinion publique ukrainienne reste fortement mobilisée, comme en témoignent les récentes manifestations à Kiev et dans plusieurs villes de province.

L’enjeu : l’Europe, entre soutien et principes
Ce bras de fer symbolise la difficulté pour l’UE de concilier soutien inconditionnel à un pays agressé et défense stricte de ses principes fondateurs. Pour Berlin, céder sur l’indépendance des agences anticorruption reviendrait à diluer l’acquis communautaire et à minorer l’exigence démocratique pour d’autres pays candidats des Balkans ou du Caucase.
Les observateurs notent également le calendrier : un prochain sommet sur l’élargissement est prévu à Bruxelles à l’automne. L’avenir du dossier ukrainien pourrait s’y jouer.
Conclusion
Le signal envoyé par Berlin et Bruxelles est clair : l’Europe reste solidaire de l’Ukraine, mais non au prix d’un recul sur la démocratie et l’État de droit. À Kiev, la réponse devra être rapide et crédible pour sauver l’élan de rapprochement européen et rassurer une opinion publique ukrainienne en quête de garanties sur la transparence de ses institutions.