L’onde de choc est immense au Kenya : Boniface Mwangi, militant emblématique des droits humains et visage de la contestation urbaine, fait face à des accusations de terrorisme portées par les autorités. Cette procédure, immédiatement dénoncée par plusieurs ONG et observateurs internationaux, révèle l’intensification de la répression politique sur fond de tensions croissantes entre société civile vigilante et État sécuritaire.
Un parcours d’activiste reconnu
Ancien photojournaliste, Boniface Mwangi s’est imposé ces dix dernières années comme une conscience morale au Kenya, multipliant les prises de parole contre la corruption, l’impunité policière et la pauvreté urbaine. Ses actions coup de poing — manifestations, happenings, performances artistiques en plein air — lui valent un large écho sur les réseaux sociaux et auprès de la jeunesse. Ce style frontal, parfois provocateur, a aussi fait de lui une cible régulière des autorités : arrestations sporadiques, intimidations, cyberattaques.
L’accusation de trop ?
Le basculement s’opère après une série de manifestations à Nairobi et Kisumu, durement réprimées par la police. Plusieurs arrestations de militants et des accusations de violence organisée surgissent rapidement. Mais l’annonce de la mise en cause de Mwangi sous le chef de terrorisme bouleverse la scène nationale. Pour ses soutiens, il s’agit d’une tentative claire de le réduire au silence, alors que nombre de dossiers de brutalités policières et de corruption sont en cours d’investigation grâce à son réseau Mediamax.
“Ce n’est pas seulement Mwangi qu’on juge, c’est la liberté de manifester et d’informer en procès”, tonne un professeur à l’Université de Nairobi.
Répercussions nationales et internationales
En un week-end, pétitions, hashtags de soutien et communiqués d’associations pleuvent. Amnesty International, Human Rights Watch et plusieurs chancelleries étrangères demandent la relaxation immédiate du militant et dénoncent la “criminalisation de la contestation”.

Mais le pouvoir, rongé par des difficultés économiques et critiqué pour sa gestion des ressources, joue la carte de la fermeté. Le Président assure vouloir “protéger la stabilité et lutter contre toutes les formes d’extrémisme”, alors qu’une partie de la population doute de la réalité des accusations.
Un climat délétère pour la société civile
L’affaire Mwangi s’inscrit dans une vague de lois et de restrictions limitant l’action des ONG et le droit à l’expression. Les médias traditionnels, sous pression, relaient de plus en plus prudemment les cas de violence d’État. Sur le terrain, de nouveaux collectifs émergent en réaction, usant du numérique pour contourner la censure.
Pour beaucoup, le traitement réservé à Boniface Mwangi pourrait faire école : “Soit la société civile s’efface, soit naît une nouvelle génération de résistants”, analyse une journaliste de Mombasa.
Quelle issue ?
L’audience, suivie de près par toute l’Afrique de l’Est, s’annonce décisive. La question n’est plus seulement judiciaire, mais symbolise un tournant pour la démocratie kenyane : le pays conservera-t-il son statut de vitrine du pluralisme ou glissera-t-il progressivement vers une gouvernance de la peur ?