Introduction : L’Afrique du Nord, perçue comme un espace arabo-musulman homogène, dissimule une stratification ethnoculturelle complexe. Les travaux de la Société historique algérienne au XIXe siècle, souvent négligés, éclairent ces dynamiques identitaires.
Le mythe de l’homogénéité arabe Dès les premières études coloniales, des chercheurs comme ceux de la Revue africaine (1856) soulignent la diversité ethnique :
Berbères autochtones : répartition entre Kabyles (Atlas), Touaregs (Sahara) et Chleuhs (Maroc).
Arabes hilaliens : arrivée tardive (XIe siècle) et influence limitée aux zones steppiques.
Communautés métisses : les Maures de Mauritanie, mélange de Berbères zénètes et de tribus arabes Beni Hassan.
Stratigraphie linguistique La superposition des couches linguistiques révèle les métissages :
Substrat berbère : toponymes en Tamazight (ex. Djurdjura, « montagne des montagnes »).
Apports puniques et latins : termes agricoles comme magun (grenier) issu du punique mgn.
Superstrat arabe : arabisation lexicale inégale, plus marquée dans les villes côtières.
Enjeux mémoriels La construction des identités nationales postcoloniales a occulté ces hybridités :
Algérie : marginalisation du berbérophonie dans le récit national jusqu’aux années 2000.
Maroc : instrumentalisation de l’« arabité » pour unifier le territoire après l’indépendance.
Libye : négation des cultures touarègues et toubou sous Kadhafi.
Sources et méthodologies Les défis de la recherche actuelle incluent :
Réinterprétation des archives coloniales : biais racialistes dans les travaux de la Société historique algérienne3.
Génétique des populations : études sur l’ADN mitochondrial révélant un fonds berbère prédominant (60 % en moyenne).
Littérature orale : collecte des izlan (poésies kabyles) comme sources historiques alternatives.
