Un pilier de l’économie africaine sous pression
Les transferts de fonds de la diaspora représentent une bouée de sauvetage économique pour des millions de familles africaines. Selon la Banque mondiale, ces remises dépassent chaque année 95 milliards de dollars, soit plus que l’aide publique au développement et l’investissement direct étranger réunis dans de nombreux pays du continent. Mais aujourd’hui, ce flux vital est menacé : les États-Unis, principal pays d’accueil de la diaspora africaine, ont récemment renforcé leurs restrictions sur les transferts d’argent, invoquant la lutte contre le blanchiment, le financement du terrorisme et la fraude fiscale.
Des mesures qui inquiètent la diaspora et les familles en Afrique
Depuis le début de l’année 2025, plusieurs grandes banques américaines et plateformes de transfert d’argent (Western Union, MoneyGram, WorldRemit) ont durci leurs procédures : vérification renforcée de l’identité, plafonnement des montants, blocage de certaines transactions jugées suspectes. De nombreux Africains vivant aux États-Unis témoignent de transferts refusés ou retardés, de comptes gelés, de frais en hausse. Pour les familles restées au pays, la conséquence est immédiate : difficulté à payer les frais scolaires, à accéder aux soins, à investir dans l’agriculture ou dans les petits commerces.
Un impact macroéconomique majeur
Dans des pays comme le Nigeria, le Sénégal, le Ghana, le Maroc ou l’Égypte, les transferts de la diaspora représentent entre 5 et 10 % du PIB. Ils financent l’éducation, la santé, l’immobilier, l’entrepreneuriat. Ils servent de filet de sécurité en période de crise, comme lors de la pandémie de Covid-19. Leur ralentissement ou leur interruption aurait des conséquences dramatiques, notamment pour les femmes, souvent principales bénéficiaires des remises, et pour les zones rurales, où l’accès au crédit bancaire est limité.
Les raisons avancées par Washington
Les autorités américaines justifient ces restrictions par la nécessité de lutter contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la fraude fiscale. Elles pointent du doigt certains pays africains considérés à risque, où les systèmes bancaires sont jugés vulnérables. Mais pour de nombreux experts, ces mesures relèvent aussi d’une volonté politique de mieux contrôler les flux financiers internationaux, dans un contexte de tensions géopolitiques et de durcissement des politiques migratoires.
La réaction des gouvernements africains et des institutions internationales
L’Union africaine, la Banque africaine de développement et plusieurs gouvernements nationaux ont exprimé leur inquiétude et appelé à la concertation. Ils rappellent que les transferts de fonds constituent un pilier de la stabilité sociale et économique du continent. Des discussions sont en cours avec les autorités américaines pour assouplir les procédures, renforcer la transparence et lutter contre les abus sans pénaliser les familles.
Vers des alternatives africaines ?
Face à la menace, de nouveaux acteurs émergent : fintech africaines, plateformes de paiement mobile, cryptomonnaies. Des start-up comme M-Pesa (Kenya), Wave (Sénégal), Chipper Cash (Afrique de l’Ouest) proposent des solutions plus rapides, moins coûteuses et mieux adaptées aux réalités locales. Mais leur adoption à grande échelle se heurte encore à des obstacles réglementaires, techniques et de confiance.
L’enjeu de la régulation et de la sécurité
Pour garantir la pérennité des transferts, il est indispensable de renforcer la régulation, la traçabilité et la sécurité des transactions. Cela passe par la modernisation des systèmes bancaires africains, la coopération internationale et la formation des acteurs locaux. La digitalisation des transferts, si elle est bien encadrée, peut offrir de nouvelles opportunités pour l’inclusion financière et le développement.
Les voix de la diaspora : entre colère et résilience
Sur les réseaux sociaux, la diaspora africaine s’organise pour dénoncer les blocages, partager des conseils et soutenir les familles touchées. Des associations plaident pour une approche plus humaine, respectueuse des réalités migratoires et des besoins des communautés. Beaucoup rappellent que la diaspora est un atout pour l’Afrique, un pont entre les continents, et non une menace.
Conclusion : préserver un lien vital entre l’Afrique et sa diaspora
La question des transferts de fonds est un enjeu de souveraineté, de développement et de justice sociale. L’Afrique doit défendre ce lien vital avec sa diaspora, tout en s’adaptant aux nouvelles exigences de la régulation internationale. L’innovation, la coopération et la solidarité restent les meilleures réponses aux défis du moment.