En 2025, l’Afrique s’impose progressivement comme l’un des futurs géants mondiaux de l’hydrogène vert, ouvrant la voie à une transformation profonde de son paysage énergétique, économique et industriel. Alors que la transition vers des énergies propres s’accélère à l’échelle planétaire, le continent, longtemps perçu comme simple fournisseur de matières premières, ambitionne désormais de devenir un acteur-clé de la production et de l’exportation d’hydrogène décarboné. Ce pari, soutenu par des investissements massifs, des partenariats internationaux et des politiques publiques ambitieuses, pourrait bouleverser la donne énergétique mondiale et offrir à l’Afrique une opportunité historique de développement durable.
Un potentiel naturel inégalé
L’Afrique dispose de plusieurs atouts majeurs pour s’imposer dans la filière de l’hydrogène vert. D’abord, son ensoleillement exceptionnel et la puissance de ses vents en font l’une des régions les plus propices au développement des énergies renouvelables. Des pays comme le Maroc, l’Égypte, la Namibie, l’Afrique du Sud, le Kenya ou encore la Mauritanie disposent de vastes espaces désertiques et côtiers, idéaux pour l’installation de fermes solaires et éoliennes de grande capacité.
Ces ressources permettent de produire de l’électricité verte à bas coût, condition indispensable pour générer de l’hydrogène par électrolyse de l’eau sans émissions de CO₂. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’Afrique pourrait, à l’horizon 2040, produire plus de 50 millions de tonnes d’hydrogène vert par an, soit un quart de la demande mondiale projetée.
Des projets phares qui changent d’échelle
Depuis 2023, plusieurs méga-projets d’hydrogène vert ont été lancés sur le continent, attirant de grands groupes internationaux, des fonds souverains du Golfe, des banques de développement et des start-ups africaines innovantes.
- Namibie : Le projet Hyphen Hydrogen Energy, dans le désert du Namib, est le plus avancé. Il prévoit la construction d’un complexe solaire et éolien de 5 GW, associé à des électrolyseurs capables de produire 300 000 tonnes d’hydrogène vert par an dès 2027. La Namibie ambitionne de devenir un hub d’exportation vers l’Europe et l’Asie.
- Maroc : Déjà pionnier dans le solaire avec Noor Ouarzazate, le royaume chérifien vise la production d’hydrogène et d’ammoniac vert pour l’export, en partenariat avec l’Allemagne, l’Union européenne et des industriels japonais.
- Égypte : Le canal de Suez accueille plusieurs projets pilotes, dont une usine d’ammoniac vert destinée à l’exportation vers l’Europe, avec le soutien de la Banque européenne d’investissement.
- Mauritanie et Afrique du Sud : Ces pays multiplient les annonces de partenariats pour des giga-complexes d’énergies renouvelables, visant la production d’hydrogène et de ses dérivés (ammoniac, méthanol, carburants synthétiques).
Un levier de développement industriel et d’emplois
L’essor de l’hydrogène vert ne se limite pas à l’exportation. Il ouvre des perspectives inédites pour l’industrialisation de l’Afrique :
- Décarbonation des industries : L’hydrogène vert peut remplacer le charbon et le gaz dans la sidérurgie, le ciment, la chimie et les transports lourds, secteurs très présents sur le continent.
- Création d’emplois qualifiés : Construction, exploitation, maintenance, ingénierie, recherche… des centaines de milliers d’emplois directs et indirects pourraient être créés.
- Formation et transfert de compétences : Les universités et centres de recherche africains développent des cursus spécialisés, en partenariat avec des institutions européennes et asiatiques.
Défis à relever : infrastructures, financement, gouvernance
Malgré ce potentiel, la révolution de l’hydrogène vert en Afrique doit surmonter de nombreux obstacles :
- Infrastructures : Le transport de l’hydrogène (gazoducs, ports, navires spécialisés) nécessite des investissements massifs et une coordination régionale. Les réseaux électriques doivent être modernisés et interconnectés.
- Financement : Les coûts initiaux restent élevés. Si les financements internationaux affluent, la mobilisation de capitaux locaux et la création de cadres réglementaires attractifs sont indispensables.
- Gouvernance et partage des bénéfices : Les États africains doivent veiller à ce que la manne de l’hydrogène profite aux populations locales, évitant les écueils du passé (malédiction des ressources, corruption, conflits sociaux).
- Environnement : La gestion durable de l’eau, ressource nécessaire à l’électrolyse, doit être planifiée, notamment dans les zones arides.

L’Afrique, future puissance exportatrice ?
Les marchés mondiaux de l’hydrogène vert sont en pleine structuration. L’Europe, en quête de solutions pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, multiplie les accords avec les pays africains pour sécuriser ses approvisionnements. L’Asie (Japon, Corée, Chine) investit également massivement dans la filière africaine, tandis que les États-Unis commencent à s’y intéresser.
L’Afrique pourrait ainsi devenir un fournisseur stratégique d’hydrogène et de ses dérivés, tout en développant des usages domestiques (électricité, mobilité, industrie) pour accélérer sa propre transition énergétique.
Perspectives : un tournant pour la souveraineté énergétique africaine
L’hydrogène vert offre à l’Afrique une opportunité unique de s’affranchir des modèles extractivistes hérités du passé, de diversifier ses économies et de s’imposer comme un acteur majeur de la transition énergétique mondiale. Mais cette révolution ne sera durable que si elle s’accompagne d’une gouvernance inclusive, d’un partage équitable des richesses et d’une intégration régionale renforcée.
La décennie 2025-2035 sera décisive : si les États africains parviennent à relever les défis techniques, financiers et sociaux, l’hydrogène vert pourrait devenir le moteur d’une renaissance industrielle et écologique du continent.