Introduction
Le 30 mai 2025, Julius Malema, leader du parti des Combattants pour la liberté économique (EFF), a réaffirmé publiquement son intention de continuer à chanter le slogan controversé « Tuez le Boer » lors des rassemblements politiques, en dépit des critiques croissantes et des appels à l’interdiction de ce chant. Cette déclaration intervient dans un contexte de tensions raciales persistantes en Afrique du Sud, où la question de la mémoire, de la violence et de la justice historique reste au cœur du débat national. Analyse d’une polémique qui divise la société sud-africaine et interroge la frontière entre liberté d’expression, mémoire collective et incitation à la haine.
Origines et symbolique du chant
« Tuez le Boer » (« Kill the Boer » en anglais) est un chant de lutte hérité de l’époque de l’apartheid, utilisé par les mouvements de libération pour dénoncer la domination blanche et appeler à la résistance contre le régime raciste. Le terme « Boer » désigne historiquement les fermiers afrikaners, descendants des colons néerlandais, mais il est devenu, dans le discours militant, un symbole plus large de l’oppression blanche.
Depuis la fin de l’apartheid, ce chant est régulièrement repris lors de manifestations politiques, notamment par l’ANC (Congrès national africain) et, plus récemment, par l’EFF de Julius Malema. Pour ses partisans, il s’agit d’un hymne à la mémoire des luttes anti-apartheid et d’un appel à la justice sociale. Pour ses détracteurs, c’est une incitation à la haine raciale et à la violence contre la minorité blanche.
La position de Julius Malema
Julius Malema, figure charismatique et controversée de la politique sud-africaine, a toujours assumé l’usage de ce chant comme un acte politique et symbolique. Lors d’un rassemblement à Johannesburg, il a déclaré :
« Nous continuerons à chanter ‘Tuez le Boer’ tant que la terre ne sera pas restituée et que la justice ne sera pas faite pour notre peuple. Ce chant n’est pas un appel au meurtre, c’est un rappel de notre histoire et de notre combat. »
Malema accuse ses adversaires, notamment les partis de droite et les organisations de fermiers blancs, de vouloir « effacer la mémoire de l’apartheid » et de détourner le débat sur la réforme agraire et les inégalités persistantes.

Les réactions nationales et internationales
- Communautés afrikaners : Les organisations de défense des droits des fermiers blancs, comme AfriForum, ont saisi la justice pour demander l’interdiction du chant, arguant qu’il alimente un climat de violence et de peur, dans un contexte marqué par des attaques contre des exploitations agricoles.
- Gouvernement : L’ANC, au pouvoir, adopte une position prudente, rappelant l’importance de la réconciliation nationale tout en défendant la liberté d’expression.
- Justice sud-africaine : La Cour suprême a déjà eu à se prononcer sur la question, estimant que le chant, dans son contexte historique, relève de la liberté d’expression, mais qu’il ne doit pas être utilisé pour inciter à des actes criminels.
- Communauté internationale : Plusieurs ONG et ambassades étrangères appellent au dialogue et à la responsabilité des leaders politiques pour éviter toute escalade de tensions.
Le débat sur la mémoire et la justice
La polémique autour de « Tuez le Boer » met en lumière les fractures persistantes de la société sud-africaine, trente ans après la fin de l’apartheid. Les questions de la réforme agraire, de la redistribution des terres et de la réparation des injustices historiques restent largement non résolues.
Pour de nombreux Sud-Africains noirs, le chant incarne la frustration face à la lenteur des réformes et à la persistance des inégalités. Pour d’autres, il symbolise l’incapacité du pays à tourner la page de la violence et à bâtir une nation réellement inclusive.
Les enjeux pour la cohésion sociale
- Liberté d’expression vs incitation à la haine : Où placer la limite entre mémoire militante et discours dangereux ?
- Rôle des leaders politiques : Les responsables publics ont-ils le devoir de modérer leur langage pour préserver la paix sociale ?
- Réconciliation et justice transitionnelle : La Commission Vérité et Réconciliation, mise en place dans les années 1990, a-t-elle permis de panser les plaies ou a-t-elle laissé des frustrations non résolues ?
Perspectives
La persistance du chant « Tuez le Boer » dans l’espace public sud-africain témoigne de la difficulté à concilier mémoire, justice et réconciliation. Les appels au dialogue, à l’éducation et à la réforme structurelle sont plus que jamais nécessaires pour éviter que la mémoire des luttes ne se transforme en nouvelle source de division.
Conclusion
En promettant de continuer à chanter « Tuez le Boer », Julius Malema relance un débat brûlant sur l’histoire, la justice et la cohésion nationale en Afrique du Sud. Entre liberté d’expression, devoir de mémoire et responsabilité politique, la société sud-africaine est confrontée à un choix crucial pour son avenir.