Afrique de l’Ouest : La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) à l’épreuve des défis logistiques et institutionnels

Depuis son lancement officiel en janvier 2021, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) est présentée comme l’un des projets économiques les plus ambitieux du continent. Avec pour objectif de créer un marché unique de plus d’un milliard d’habitants et un produit intérieur brut cumulé de plus de 3 000 milliards de dollars, la ZLECAf promet de transformer profondément les économies africaines. Pourtant, quatre ans après son entrée en vigueur, la mise en œuvre effective de cet accord régional fait face à de nombreux défis, notamment en Afrique de l’Ouest, où la diversité des systèmes douaniers, les infrastructures insuffisantes et les disparités institutionnelles freinent la libre circulation des biens et des services.

Un potentiel économique immense

La ZLECAf vise à éliminer progressivement les barrières tarifaires et non tarifaires entre les États membres, facilitant ainsi le commerce intra-africain, qui ne représente encore que 17% des échanges totaux du continent, contre plus de 60% en Europe. En Afrique de l’Ouest, la création d’un marché commun pourrait stimuler la production locale, encourager les investissements, favoriser l’industrialisation et créer des millions d’emplois.

Les secteurs clés concernés sont l’agroalimentaire, les matières premières, les produits manufacturés, les services financiers et les technologies de l’information. La ZLECAf offre aussi une plateforme pour renforcer la coopération régionale, harmoniser les normes et promouvoir la compétitivité des entreprises africaines.

Les obstacles logistiques : un frein majeur

Malgré ces ambitions, les infrastructures de transport et de logistique restent un frein important. Les routes, les ports, les chemins de fer et les aéroports sont souvent sous-dimensionnés, mal entretenus ou saturés, ce qui ralentit considérablement le transit des marchandises. Les corridors commerciaux, comme celui reliant Abidjan à Ouagadougou ou Lagos à Niamey, souffrent de goulets d’étranglement et de contrôles routiers multiples.

Le coût du transport en Afrique de l’Ouest est parmi les plus élevés au monde, ce qui réduit la compétitivité des produits locaux et décourage les échanges. Les délais d’acheminement sont souvent longs et imprévisibles, ce qui complique la planification des entreprises.

Les disparités institutionnelles et réglementaires

La diversité des législations douanières, fiscales et commerciales entre les pays membres constitue un autre obstacle majeur. Les procédures administratives sont souvent complexes, peu transparentes et sujettes à la corruption. Les barrières non tarifaires, telles que les quotas, les normes techniques divergentes, les exigences sanitaires et phytosanitaires, freinent la circulation des produits.

L’absence d’une harmonisation complète des règles et d’un système commun de contrôle limite l’efficacité de la ZLECAf. De plus, certains États restent réticents à abandonner leur souveraineté douanière, ce qui ralentit la mise en œuvre des engagements.

Initiatives pour surmonter les défis

Pour pallier ces difficultés, plusieurs initiatives ont été lancées :

  • Digitalisation des procédures douanières : plusieurs pays ouest-africains développent des guichets uniques électroniques pour simplifier les formalités et réduire les délais.
  • Renforcement des capacités : formation des agents douaniers, coopération régionale et échanges d’informations pour lutter contre la fraude et améliorer la gestion des frontières.
  • Investissements dans les infrastructures : projets financés par la Banque africaine de développement, la Banque mondiale et des partenaires bilatéraux pour moderniser les ports, routes et corridors.
  • Dialogue politique : forums régionaux pour harmoniser les politiques commerciales et résoudre les différends.

Le rôle du secteur privé et de la société civile

Le secteur privé joue un rôle clé dans la réussite de la ZLECAf. Les entreprises, notamment les PME, doivent être accompagnées pour s’adapter aux nouvelles règles, améliorer leur compétitivité et accéder aux marchés régionaux. Les chambres de commerce, les associations professionnelles et les incubateurs d’entreprises sont mobilisés pour former, informer et soutenir les entrepreneurs.

La société civile, quant à elle, veille à ce que les bénéfices de l’intégration soient partagés équitablement, en particulier pour les femmes, les jeunes et les populations rurales. Elle milite pour une gouvernance transparente, la lutte contre la corruption et la promotion du développement durable.

Perspectives et enjeux pour l’avenir

La ZLECAf représente une opportunité historique pour l’Afrique de l’Ouest, mais sa réussite dépendra de la capacité des États à surmonter les défis logistiques et institutionnels. L’accélération de la mise en œuvre, la coopération renforcée entre les pays, la mobilisation des financements et l’implication de tous les acteurs seront déterminantes.

À moyen terme, la ZLECAf pourrait transformer les économies ouest-africaines, favoriser la création d’emplois, stimuler l’innovation et renforcer la souveraineté économique du continent. Elle constitue aussi un levier essentiel pour atteindre les objectifs de développement durable et construire une Afrique plus intégrée, compétitive et résiliente.

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