Douala : un coup de filet inédit contre le trafic de bois précieux
Le port de Douala, principal hub maritime du Cameroun et de l’Afrique centrale, a été le théâtre d’une opération spectaculaire : les autorités camerounaises, appuyées par Interpol et des ONG environnementales, ont saisi plus de 500 tonnes de bois précieux destinées à l’exportation illégale vers l’Asie et l’Europe. Cette saisie, la plus importante jamais réalisée dans la région, met en lumière l’ampleur du trafic de bois et les défis de la lutte contre la déforestation en Afrique centrale.
Les faits : une opération conjointe et minutieusement préparée
L’opération, menée dans la nuit du 28 au 29 mai, a mobilisé plus de 200 agents des douanes, de la police, de la gendarmerie et des services forestiers. Les enquêteurs, alertés par des ONG locales et des partenaires internationaux, ont inspecté plusieurs conteneurs suspects, dissimulant du bois de rose, de l’iroko, du bubinga et d’autres essences protégées.
La cargaison, d’une valeur estimée à plus de 10 millions de dollars, était destinée à des marchés asiatiques, notamment la Chine et le Vietnam, où la demande de meubles de luxe et de matériaux de construction explose. Plusieurs suspects, dont des responsables de sociétés d’exportation et des agents portuaires, ont été interpellés. Une enquête est en cours pour démanteler le réseau.
Un trafic organisé et transnational
Le trafic de bois précieux en Afrique centrale est un fléau ancien, mais il a pris une ampleur inédite ces dernières années. Les réseaux criminels, souvent liés à la corruption et à la fraude documentaire, exploitent la porosité des frontières, la complicité de certains fonctionnaires et la faiblesse des contrôles pour acheminer des cargaisons entières vers l’Asie et l’Europe.
Selon l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), plus de 30 % du bois exporté depuis le bassin du Congo serait d’origine illégale. Les pertes pour les États se chiffrent en centaines de millions de dollars chaque année, privant les populations locales de ressources et alimentant la déforestation.
Les conséquences environnementales et sociales
La déforestation massive menace l’un des derniers poumons verts de la planète : le bassin du Congo, qui abrite 10 % des forêts tropicales mondiales et une biodiversité exceptionnelle. La disparition des arbres aggrave le changement climatique, détruit les habitats des espèces menacées et fragilise les communautés autochtones, qui dépendent de la forêt pour leur subsistance.
Les ONG alertent sur l’accélération du phénomène : chaque année, plus d’un million d’hectares de forêt disparaissent en Afrique centrale, principalement à cause du commerce illégal de bois, mais aussi de l’agriculture sur brûlis, de l’exploitation minière et de l’urbanisation.
Les réactions : satisfaction et appels à la vigilance
La saisie record de Douala a été saluée par les autorités camerounaises, qui y voient la preuve de leur engagement dans la lutte contre la criminalité environnementale. Le ministre des Forêts et de la Faune a promis de renforcer les contrôles, de sanctionner les coupables et de collaborer avec les pays voisins pour tarir les filières illégales.
Les ONG, tout en saluant l’opération, appellent à la vigilance : « Ce n’est qu’un début. Il faut s’attaquer aux racines du problème : la corruption, l’impunité et la demande internationale. » Plusieurs associations réclament la publication des noms des sociétés impliquées et la transparence sur le devenir du bois saisi.

Les enjeux pour la gouvernance forestière
La lutte contre le trafic de bois illégal passe par une réforme en profondeur de la gouvernance forestière : traçabilité des produits, certification indépendante, implication des communautés locales, renforcement des sanctions. Les bailleurs de fonds internationaux, comme l’Union européenne et la Banque mondiale, conditionnent désormais leur aide à des avancées concrètes dans ce domaine.
La technologie peut aussi jouer un rôle : utilisation de drones, de satellites, de bases de données numériques pour suivre les cargaisons et détecter les fraudes.
Perspectives : vers une gestion durable des forêts d’Afrique centrale
La saisie de Douala doit servir de signal d’alarme et de point de départ pour une mobilisation régionale. Les pays du bassin du Congo, réunis au sein de la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC), ont adopté des plans d’action, mais leur mise en œuvre reste inégale.
La préservation des forêts est un enjeu vital pour l’Afrique et pour la planète : lutte contre le changement climatique, protection de la biodiversité, développement durable des communautés locales. Les États, les entreprises, les ONG et les consommateurs doivent agir ensemble pour mettre fin à la déforestation illégale.
Conclusion : Douala, symbole d’une Afrique qui se bat pour ses forêts
La saisie record de bois illégal au port de Douala rappelle l’urgence d’agir pour protéger les trésors naturels de l’Afrique centrale. C’est un combat de longue haleine, mais aussi une opportunité de bâtir une économie verte, juste et durable, au service des générations futures.