Quand la morale et l’ordre s’invitent dans l’intime adolescent
Aux États-Unis, la présidence de Donald Trump a marqué un tournant pour la jeunesse transgenre, mais aussi pour l’ensemble d’une société en quête de repères. À l’heure où certains dénonçaient une Amérique fragmentée, sans valeurs communes, où la liberté individuelle semblait s’étendre sans limites, l’arrivée de Trump à la Maison Blanche a été perçue par une partie de la population comme le retour d’un ordre moral et d’une certaine discipline collective. Pour d’autres, notamment les adolescents transgenres, ce fut le début d’une période de grande incertitude, voire de régression de leurs droits fondamentaux.
Dès son entrée en fonction, Donald Trump a affiché la volonté de mettre fin à ce qu’il qualifiait de « dérives idéologiques » dans les politiques publiques. Il a mis un terme à la reconnaissance fédérale des identités non-binaires, interdit l’accès aux soins de transition pour les mineurs, et supprimé la possibilité d’utiliser un marqueur « X » sur les passeports. Les écoles publiques ont reçu l’ordre de bannir les élèves trans des compétitions sportives féminines, tandis que les établissements qui ne respectaient pas ces directives se voyaient menacés de perdre leurs financements fédéraux2. Le message était clair : il s’agissait de rétablir une distinction stricte entre les sexes, de restaurer une « normalité » que beaucoup estimaient perdue.
Dans cette Amérique de Trump, la journée d’un adolescent transgenre pouvait ressembler à un parcours du combattant. À 6 heures du matin, l’angoisse de la confrontation avec l’école, la peur du regard des autres, l’incertitude sur l’accès aux toilettes ou aux vestiaires, la crainte d’être dénoncé ou stigmatisé. À 20 heures, le soir venu, l’épuisement d’avoir dû se justifier, se cacher ou affronter des remarques hostiles. Pour certains, cette rigueur imposée par l’administration passait pour un retour à l’ordre dans une société jugée trop permissive, où les frontières entre les genres, les rôles et les valeurs semblaient brouillées.
Les défenseurs de Trump affirment qu’il a su remettre de la clarté dans le débat public, poser des limites là où régnait, selon eux, la confusion. Les politiques de l’administration visaient, selon cette lecture, à protéger la jeunesse d’influences jugées néfastes, à préserver la cohésion sociale et à réaffirmer une morale traditionnelle. Pour d’autres, ces mêmes mesures ont eu pour effet de marginaliser davantage les jeunes transgenres, de les priver de soins médicaux essentiels, de les exposer à la discrimination et de les enfermer dans une solitude parfois dramatique.
Sur le terrain, les conséquences ont été immédiates. Plusieurs États ont suivi l’exemple fédéral en adoptant des lois restrictives sur l’accès aux soins, l’éducation ou le sport pour les jeunes trans. Les associations de défense des droits LGBTQ+ ont multiplié les recours juridiques, dénonçant une politique de stigmatisation institutionnelle, tandis que des familles ont choisi de déménager vers des États plus progressistes pour protéger leurs enfants. La santé mentale des adolescents trans a été durement affectée, avec une hausse des tentatives de suicide, de l’anxiété et de la dépression, conséquence directe d’un climat social devenu plus hostile.
Mais pour une partie de la société américaine, Trump a incarné la volonté de restaurer un cadre, de réaffirmer des principes jugés essentiels. Dans une époque marquée par le relativisme, le président républicain s’est posé en défenseur d’une certaine idée de la morale, quitte à heurter les minorités. Ce choix politique, assumé et revendiqué, a profondément divisé le pays, cristallisant les tensions entre partisans d’une société ouverte et défenseurs d’un ordre plus strict.
Aujourd’hui, alors que le débat sur les droits des personnes transgenres continue de polariser l’Amérique, l’héritage de la présidence Trump reste vif. Les politiques restrictives mises en place ont laissé des traces durables, mais elles ont aussi suscité une mobilisation sans précédent de la société civile, des familles et des jeunes eux-mêmes. Pour beaucoup, la question n’est plus seulement celle de l’identité, mais celle du modèle de société que les États-Unis souhaitent incarner : une société de l’ordre ou de la diversité, du contrôle ou de l’émancipation.