La capitale soudanaise, Khartoum, est aujourd’hui le théâtre d’une crise humanitaire et sécuritaire sans précédent. Depuis le début du conflit armé entre l’armée régulière et les Forces de soutien rapide (FSR), la population vit sous la menace constante des combats, des pillages et de l’insécurité généralisée. Face à l’effondrement de l’État et à l’absence de protection officielle, les habitants de Khartoum ont dû inventer des stratégies de survie et de sécurisation de leurs habitations. Cette situation inédite met en lumière la résilience de la société soudanaise, mais aussi les limites des réponses humanitaires et politiques face à l’effondrement institutionnel.
La vie quotidienne sous la menace
Depuis avril 2023, Khartoum est plongée dans le chaos. Les affrontements entre les deux principales factions armées ont transformé des quartiers entiers en zones de guerre. Les habitants, pris en étau entre les tirs croisés, les bombardements et les incursions de milices, vivent dans une peur permanente. L’accès à l’eau, à l’électricité et à la nourriture est devenu un défi quotidien, aggravé par la hausse des prix et la raréfaction des ressources.
Dans ce contexte, la sécurisation des habitations est devenue une priorité absolue. De nombreux habitants ont renforcé portes et fenêtres, installé des systèmes d’alarme artisanaux et organisé des rondes de surveillance nocturne en collaboration avec leurs voisins. Certains quartiers ont mis en place des groupes d’autodéfense pour dissuader les pillards et protéger les familles. Les réseaux sociaux jouent également un rôle crucial, permettant de signaler en temps réel les mouvements suspects et de coordonner les alertes.
Ingéniosité et solidarité face à l’adversité
Face à l’absence de l’État, la solidarité communautaire s’est imposée comme un rempart essentiel. Les comités de quartier, hérités des mouvements de protestation de 2019, se sont réorganisés pour distribuer l’aide alimentaire, organiser les évacuations d’urgence et négocier avec les groupes armés locaux. Les femmes, souvent en première ligne, jouent un rôle central dans la gestion des ressources et la protection des enfants.
L’ingéniosité des habitants de Khartoum se manifeste aussi dans l’adaptation des espaces de vie. Beaucoup ont aménagé des abris souterrains ou renforcé les murs des maisons avec des matériaux de récupération. Les écoles et les mosquées servent de refuges collectifs pour les familles déplacées. Malgré la peur, la vie sociale continue tant bien que mal, avec des cérémonies religieuses et des marchés improvisés dans les zones les plus sûres.
Limites et dangers de l’autodéfense
Si l’autodéfense communautaire a permis de limiter les dégâts dans certains quartiers, elle comporte aussi des risques importants. L’absence de formation et de moyens adéquats expose les habitants à des représailles violentes de la part des groupes armés. Les tensions intercommunautaires, exacerbées par la compétition pour les ressources, peuvent dégénérer en affrontements. Les ONG locales alertent également sur les risques de recrutement forcé de jeunes dans les milices et la prolifération des armes légères.

La situation à Khartoum met en évidence la nécessité d’une réponse humanitaire adaptée, mais aussi d’un engagement politique renouvelé pour restaurer l’État de droit et la sécurité. Les organisations internationales, confrontées à des difficultés d’accès et à l’insécurité, peinent à acheminer l’aide nécessaire. La communauté internationale, quant à elle, tarde à imposer une médiation efficace entre les parties en conflit.
Perspectives et solutions possibles
Pour sortir de l’impasse, plusieurs pistes sont évoquées par les acteurs locaux et internationaux. La mise en place de couloirs humanitaires sécurisés, la relance du dialogue politique et le renforcement des mécanismes de protection civile figurent parmi les priorités. À plus long terme, la reconstruction du tissu social et institutionnel sera indispensable pour garantir la paix et la sécurité à Khartoum et dans l’ensemble du Soudan.
Conclusion
La crise de Khartoum illustre la capacité de résilience et d’innovation des sociétés africaines face à l’effondrement de l’État. Mais elle rappelle aussi l’urgence d’une action internationale concertée pour protéger les civils et restaurer la stabilité. La sécurisation des habitations, si elle témoigne de la force des solidarités locales, ne saurait se substituer à la responsabilité première des autorités et de la communauté internationale.