Introduction
Le Burkina Faso vient d’acter une décision majeure : la transition militaire, initialement prévue pour s’achever en juillet 2024, est prolongée de cinq ans à compter du 2 juillet 2024. Cette annonce, faite à l’issue des Assises nationales de Ouagadougou, conforte le capitaine Ibrahim Traoré à la tête de l’État jusqu’en 2029, sauf amélioration notable de la situation sécuritaire. Alors que la société civile et la communauté internationale s’interrogent sur la sincérité de la promesse d’un retour à l’ordre constitutionnel, la majorité des partis politiques traditionnels ont boycotté l’événement, dénonçant une confiscation du pouvoir. Analyse d’une transition sous tension, dans un pays marqué par la violence djihadiste et la défiance institutionnelle.
I. Une transition prolongée, une charte controversée
1.1. Les conclusions des Assises nationales
Le 25 mai 2024, les représentants de la société civile, des forces de défense et de sécurité, et les députés de l’Assemblée législative de transition ont adopté une nouvelle charte. Celle-ci fixe la durée de la transition à 60 mois à compter du 2 juillet 2024. Le capitaine Traoré devient officiellement « président du Faso et chef suprême des armées »346. Il pourra se présenter aux élections présidentielles, législatives et municipales prévues à la fin de cette période, ou plus tôt si la sécurité le permet.
1.2. Boycott des partis politiques
La plupart des partis politiques traditionnels ont boycotté les assises, dénonçant la suspension de leurs activités depuis septembre 2022 et l’absence de garanties réelles pour une alternance démocratique46. Les quotas réservés aux partis pour l’Assemblée de transition ont été supprimés, le « patriotisme » étant désormais le principal critère pour siéger.

II. Un contexte sécuritaire explosif
2.1. La menace djihadiste
Depuis près de dix ans, le Burkina Faso est en proie à des violences djihadistes qui ont fait des milliers de morts et déplacé plus de deux millions de personnes. Le capitaine Traoré justifie la prolongation de la transition par l’urgence de restaurer la sécurité et l’intégrité territoriale.
2.2. Renforcement de l’appareil militaire
Le président a annoncé la création de nouveaux bataillons d’intervention rapide et d’un groupement expéditionnaire dédié au Sahel, afin de densifier le dispositif militaire sur le terrain5. Cette stratégie vise à reconquérir les territoires perdus face aux groupes armés et à rassurer la population.
III. Les réactions et les enjeux politiques
3.1. Société civile et opinion publique
Si une partie de la société civile soutient la fermeté affichée contre le terrorisme, d’autres voix dénoncent une dérive autoritaire et la tentation d’un pouvoir militaire permanent. L’absence de calendrier électoral précis et la possibilité pour Traoré de se présenter à la future présidentielle alimentent la méfiance.
3.2. Communauté internationale
La CEDEAO et l’Union africaine appellent au respect des engagements de transition et à la préparation d’élections crédibles. Mais la suspension des activités partisanes et la marginalisation de l’opposition compliquent le dialogue.
IV. Perspectives et risques
La prolongation de la transition offre au Burkina Faso une fenêtre pour restaurer la sécurité, mais elle risque aussi de saper la confiance dans le processus démocratique. La réussite dépendra de la capacité du régime à améliorer la sécurité, à engager un dialogue inclusif et à préparer un retour crédible à l’ordre constitutionnel.
Conclusion
La nouvelle charte adoptée au Burkina Faso marque un tournant dans l’histoire du pays. Si la lutte contre le terrorisme justifie une transition prolongée, seule la transparence, l’inclusivité et le respect des engagements permettront d’éviter une dérive autoritaire et de restaurer la confiance du peuple burkinabè.