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Nigeria : les défis du dédouanement dans la ZLECAf et la quête d’une intégration commerciale réelle

par Africanova
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Le Nigeria, première économie d’Afrique, se trouve en 2025 au cœur d’un paradoxe révélateur des limites de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Alors que le pays représente à lui seul 17 % du PIB continental, ses postes frontaliers restent des goulets d’étranglement chroniques, grevant le commerce intra-africain de milliards de dollars. Entre corruption systémique, infrastructures obsolètes et rivalités régionales, la mise en œuvre effective de la ZLECAf bute sur une réalité complexe où le formel et l’informel s’entrechoquent.

Le cas emblématique du corridor Lagos-Abidjan : 72 heures d’attente pour 1 000 km

Le corridor Lagos-Abidjan, artère vitale reliant les deux premières puissances économiques d’Afrique de l’Ouest, illustre les dysfonctionnements. Un camion transportant des marchandises de Lagos à Abidjan parcourt théoriquement 1 000 km en 48 heures. Dans les faits, les retards aux postes frontaliers – notamment à Seme-Krake entre le Nigeria et le Bénin – allongent le trajet à 5 jours en moyenne. En avril 2025, un rapport de la Banque mondiale a documenté 120 heures d’attente cumulées pour un convoi de 20 camions, avec des pots-de-vin représentant 35 % du coût total du transport[^1^][^4^].

Les douaniers nigérians, souvent payés moins de 200 $ par mois, survivent grâce à un système de « taxation informelle ». À la frontière de Jibiya (Nigeria-Niger), les contrôles arbitraires peuvent multiplier par dix les droits de douane officiels. « Sans 50 000 nairas (environ 60 $), impossible de faire passer un conteneur », témoigne Ibrahim Musa, chauffeur depuis 15 ans[^3^].

La ZLECAf à l’épreuve du terrain : entre ambitions et réalités

Entrée en vigueur en 2021, la ZLECAf promettait un marché de 1,3 milliard de consommateurs et une augmentation de 52 % du commerce intra-africain d’ici 2030. Mais en 2025, le Nigeria n’a ratifié que 60 % des protocoles, et le commerce intracontinental ne dépasse pas 16 % du total – contre 68 % en Europe[^2^][^5^].

Les obstacles sont multiples :

  1. Divergences tarifaires : Le Nigeria maintient des droits à l’importation de 20 % sur les véhicules d’occasion, alors que le Bénin les taxe à 5 %, encourageant la contrebande[^1^].
  1. Normes techniques : L’absence d’harmonisation des certificats sanitaires bloque les exportations agricoles. En 2024, 40 % des camions de tomates nigérianes ont été refusés au Ghana pour non-conformité[^6^].
  1. Connectivité physique : Seuls 12 % des 6 000 km de frontières nigérianes sont équipés de scanners modernes. Le poste d’Ilela (Nigeria-Niger) fonctionne toujours avec des registres papier[^3^].

Innovations technologiques et résistances bureaucratiques

Face à ces défis, le gouvernement nigérian a lancé en 2023 la plateforme TradeNet NG, un système de dématérialisation des procédures douanières inspiré du modèle singapourien. Intégrant l’IA pour détecter les fraudes et la blockchain pour tracer les conteneurs, elle a réduit de 30 % les délais de dédouanement à Apapa, le plus grand port d’Afrique de l’Ouest[^1^][^7^].

Pourtant, les résistances sont fortes. En mars 2025, une grève des agents des douanes a paralysé le port de Tin Can (Lagos), dénonçant les « licenciements masqués » liés à l’automatisation. « L’IA ne comprend pas nos réalités locales », proteste un responsable syndical sous couvert d’anonymat[^3^].

Impact économique et social : le coût de l’inefficacité

La Banque mondiale estime à 4,2 milliards de dollars par an les pertes nigérianes dues aux inefficacités douanières – l’équivalent du budget national de la santé[^2^]. Les PME sont les premières victimes. Adeola Ogunbiyi, exportatrice de textiles à Kano, explique : « J’ai dû abandonner le marché malien à cause des 15 documents requis à chaque passage de frontière »[^6^].

À l’inverse, l’informel prospère. Le marché de Idi-Iroko, à la frontière béninoise, voit transiter chaque jour 500 motos-taxi chargées de riz, d’essence et de médicaments non déclarés. « Ici, la ZLECAf existe depuis toujours, mais sans papiers », ironise un commerçant[^3^].

Vers une réforme systémique ?

Plusieurs initiatives tentent de débloquer la situation :

  • Guichet unique régional : La CEDEAO teste à Noépé (Togo) un système unifié de déclaration pour le Nigeria, le Ghana et la Côte d’Ivoire[^5^].
  • Formation des agents : L’École ouest-africaine des douanes à Ouagadougou a formé 1 200 Nigérians depuis 2022, avec un focus sur la lutte contre la corruption[^7^].
  • Sanctions ciblées : La Nigeria Customs Service a licencié 47 agents en 2024 pour fraude avérée, tout en augmentant les salaires de base de 25 %[^1^].

Mais les experts soulignent la nécessité d’aller plus loin. Le professeur Ngozi Okonjo-Iweala, ancienne ministre et directrice de l’OMC, plaide pour l’adoption immédiate du Protocole sur la libre circulation des personnes, bloqué par le Nigeria par crainte d’une immigration massive[^2^].

Conclusion : la ZLECAf à la croisée des chemins

Le Nigeria incarne les promesses et les contradictions de la ZLECAf. Si les réformes engagées montrent des résultats tangibles – réduction des délais à Apapa, hausse de 8 % des exportations vers le Ghana en 2024 –, le chemin vers une intégration réelle reste semé d’embûches. La réussite dépendra de la capacité à transformer les douanes, ultime rempart de la souveraineté nationale, en moteurs d’un marché continental unifié

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