Depuis plus de trois mois, le Togo navigue dans une incertitude politique majeure. Le pays, qui a opéré un changement institutionnel profond avec l’adoption en avril 2024 d’une nouvelle Constitution instaurant la Cinquième République et un régime parlementaire, reste sans gouvernement formel. Ce vide politique, intervenu après la démission du précédent exécutif à la veille de la prise de fonction du nouveau président du Conseil des ministres, Faure Essozimna Gnassingbé, soulève de nombreuses interrogations et inquiète profondément la population.
La réforme constitutionnelle visait officiellement à mieux répartir les pouvoirs entre un président honorifique et un Premier ministre renforcé, incarnant l’exécutif. Mais la formation du gouvernement tarde à se concrétiser, plongeant le pays dans une phase transitoire prolongée où l’équipe sortante continue de gérer les affaires courantes, sans que ne soit approuvé un programme officiel devant l’Assemblée nationale.
Selon Gilbert Bawara, ministre de la Réforme du service public, proche du Premier ministre, la constitution de ce gouvernement est « un acte politique complexe » qui nécessite « une ouverture et une représentation de l’ensemble des forces vives » du pays. Pourtant, la réalité semble être une attente qui s’éternise, alimentant inquiétudes et frustrations.
L’opposition radicale, notamment la coalition DMK (Dynamique Monseigneur Kodzro), conteste la légitimité des institutions issues de cette réforme constitutionnelle. Elle réclame le retour à l’ancienne Constitution de 1992, considérée comme garante d’une démocratie plus solide. Pour ces opposants, participer à un gouvernement issu de cette « imposture constitutionnelle » reviendrait à une trahison.
Alors que la société civile exprime son impatience peut-être plus fortement que jamais, certains analystes politiques voient dans ce retard une stratégie de Faure Gnassingbé pour consolider son pouvoir, en verrouillant les postes clés. En ce sens, le processus de formation gouvernementale serait davantage un instrument de préservation politique qu’un effort de renouvellement.

Ce gouvernement promet d’être le premier véritable de la Cinquième République parlementaire, avec une équipe élargie à 35 membres, dirigée par Victoire Sidémého Tomegah-Dogbé en tant que Premier ministre. Il comprendra un éventail de ministres avec des portefeuilles réorganisés, reflétant les priorités nationales telles que la réforme du service public, l’économie numérique, l’environnement, ou encore la gestion des ressources halieutiques.
Toutefois, son annonce se fait attendre, alors même que tout retard prolongé fragilise la gouvernance économique et sociale, limite la capacité de réponse à des crises persistantes et réduit la confiance internationale.
Ce contexte soulève une interrogation fondamentale : le Togo est-il prêt pour ce saut institutionnel vers un régime parlementaire ? Ou cette réforme précipitée a-t-elle été un moyen détourné d’assurer la continuité et la préservation d’une élite politique ?