La République démocratique du Congo, géant au cœur d’une Afrique centrale en tourmente, fait face à une nouvelle opportunité de sortie de crise après la signature, il y a une semaine, de l’Accord de Doha. Portée par la médiation du Qatar, cette initiative a reçu le soutien de plusieurs parties prenantes au conflit congolais, mais suscite interrogations et scepticisme dans la société civile.
Après des décennies de violences, de rébellions armées et d’ingérence étrangère, toute annonce de « paix » dans la région du Kivu est accueillie avec prudence. Les Congolais, marqués par les multiples processus de paix avortés, peinent à croire à un lendemain meilleur. Pourtant, les promesses de l’accord de Doha – notamment le désarmement progressif des groupes armés, la démobilisation et l’intégration future dans la société ou l’armée – ouvrent des perspectives inédites.
Les points clés de l’accord
L’accord, signé le 14 juillet 2025 par la majorité des facettes du conflit (milices locales, représentants de l’État, observateurs régionaux), prévoit un calendrier en plusieurs étapes : cessez-le-feu immédiat, cantonnement des forces irrégulières, libération des prisonniers politiques et engagement pour un dialogue constitutionnel de fond avant la fin de l’année. Le volet économique est également à l’ordre du jour : réhabilitation des infrastructures, soutien ciblé à l’agriculture, et relance des projets miniers sous surveillance internationale.
Le soutien du Qatar, félicité par la communauté internationale, est perçu comme un élément déterminant. Le pays du Golfe s’est positionné ces dernières années en médiateur incontournable, auprès du Sahel comme de la Corne de l’Afrique.
Une population en attente
À Goma, Bukavu ou Kisangani, l’accord est accueilli avec circonspection. Beaucoup se rappellent des promesses non tenues de Sun City, Lusaka, Addis-Abeba ou Nairobi. « Nos espoirs sont épuisés », soupire Emmanuel, enseignant à Bunia. D’autres, plus jeunes, voient dans la dynamique actuelle un tournant inédit : la présence de nouvelles figures issues de la société civile et la pression de la population sur les réseaux sociaux poussent à un contrôle citoyen des actions du gouvernement.
Les déplacés – plus de 5 millions selon les chiffres de l’ONU – rêvent d’un retour rapide dans leurs villages. Mais la question de la confiance reste entière, tant les chefs militaires locaux conservent des marges d’autonomie et tant la corruption mine l’appareil d’État.

Un fragile espoir régional
Le contexte sous-régional complexifie l’équation. La crise au Soudan du Sud, les tensions ethniques en Ouganda, le spectre d’ingérences rwandaises et burundaises pèsent lourd sur l’avenir congolais. Mais, pour la première fois depuis longtemps, aucun acteur majeur n’exprime d’hostilité ouverte envers le processus de paix, ce qui laisse aux diplomates une marge de manœuvre bienvenue.
La dimension économique de l’accord pourrait s’avérer déterminante. La création de milliers d’emplois pour les jeunes, la relance de l’agriculture dans l’Ituri et le Sud-Kivu, la sécurisation du corridor de transport Est-Ouest : ces mesures pourraient changer la donne. Encore faut-il que les fonds promis ne se volatilisent pas dans les circuits opaques qui, depuis 60 ans, plombent le développement du pays.
Et maintenant ?
La balle est désormais dans le camp des autorités congolaises. La confiance de la population, si fragile, ne se regagnera qu’à la faveur de gestes concrets : démobilisation effective, fin des abus militaires, justice pour les victimes et relance perceptible de l’économie locale. Pour retrouver son rôle de moteur en Afrique centrale, la RDC n’a pas droit à l’erreur.