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Cameroun : les ministres qui défient Paul Biya, analyse d’un pouvoir en mutation

par Africanova
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Yaoundé, 5 juillet 2025 – Le crépuscule d’un règne ?

Depuis plus de quatre décennies, Paul Biya règne sans partage sur le Cameroun. Mais à 91 ans, le président camerounais fait face à une contestation inédite : au sein même de son gouvernement, des ministres osent désormais défier son autorité, révélant les signes d’une mutation profonde du pouvoir. Cette évolution, longtemps inimaginable dans un système ultra-présidentialiste, pourrait-elle annoncer la fin d’une ère ? Analyse d’un séisme politique discret mais déterminant.

Un pouvoir hypercentralisé, des ministres longtemps effacés

Depuis son accession à la présidence en 1982, Paul Biya a construit un système politique basé sur la loyauté, la discipline et la concentration des pouvoirs à la présidence. Les ministres, souvent choisis pour leur fidélité plus que pour leur compétence, étaient cantonnés à un rôle d’exécutants, rarement autorisés à prendre des initiatives publiques ou à exprimer des divergences.

Le RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais), parti au pouvoir, a longtemps fonctionné comme une machine à consensus, verrouillant toute contestation interne. Les rares ministres « frondeurs » étaient rapidement écartés, exilés ou marginalisés.

Un contexte de crise et de vieillissement du régime

Mais le contexte a changé. Le Cameroun traverse une période de tensions multiples : crise anglophone persistante, ralentissement économique, scandales de corruption, pression internationale sur les droits humains, et surtout, incertitude sur la succession d’un président vieillissant et de plus en plus absent de la scène publique.

La jeunesse camerounaise, mieux informée et connectée, réclame des réformes, tandis que la société civile et l’opposition multiplient les appels à l’alternance. Dans ce climat, certains ministres, jusque-là discrets, prennent la parole, critiquent la lenteur des réformes, ou défendent des positions contraires à la ligne présidentielle.

Des ministres qui osent défier le chef

Parmi les figures emblématiques de cette nouvelle génération de ministres « frondeurs », on peut citer :

  • Célestine Ketcha Courtès (Ministre de l’Habitat et du Développement urbain), qui a publiquement dénoncé le manque de transparence dans l’attribution des marchés publics et plaidé pour une réforme profonde de la gouvernance urbaine.
  • Joseph Dion Ngute (Premier ministre), qui a tenté d’ouvrir le dialogue avec les leaders anglophones, malgré la réticence du palais présidentiel à toute concession.
  • Paul Atanga Nji (Ministre de l’Administration territoriale), connu pour ses prises de position tranchées sur la sécurité, mais qui a récemment critiqué la gestion centralisée des fonds d’urgence.
  • Malachie Manaouda (Ministre de la Santé), qui s’est opposé à certaines décisions présidentielles durant la crise du Covid-19, plaidant pour une gestion plus décentralisée et transparente.

Ces prises de position, relayées par les réseaux sociaux et les médias internationaux, témoignent d’une volonté de certains membres du gouvernement de s’affirmer, voire de se positionner pour l’après-Biya.

Les raisons d’une émancipation

Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène :

  • La pression de la société civile et des bailleurs internationaux, qui exigent plus de transparence et de responsabilité.
  • La crainte d’être associés à un régime en fin de course, et le désir de se construire une légitimité propre en vue de la succession.
  • La montée des ambitions personnelles, dans un contexte où la question de la relève est désormais ouverte.
  • L’effet générationnel, avec l’arrivée de ministres plus jeunes, formés à l’étranger, moins marqués par la culture du silence.

Un jeu dangereux : entre émancipation et répression

Mais défier Paul Biya n’est pas sans risques. Le président conserve un pouvoir de nomination et de révocation quasi absolu. Les services de renseignement surveillent étroitement les ministres jugés trop indépendants, et les campagnes de dénigrement dans la presse officielle restent fréquentes.

Pour l’instant, Biya joue la carte de l’équilibre : il tolère une certaine contestation, qui lui permet de montrer une façade de modernité, tout en maintenant un contrôle strict sur les dossiers stratégiques (sécurité, finances, diplomatie).

Quelles perspectives pour la transition ?

La question de la succession reste taboue, mais elle est désormais au cœur des débats politiques et diplomatiques. Plusieurs scénarios sont évoqués :

  • Une transition contrôlée, avec la désignation d’un dauphin issu du cercle présidentiel.
  • Une lutte de clans, opposant les « barons » du RDPC, les ministres frondeurs et les forces de sécurité.
  • Une ouverture démocratique, sous la pression de la société civile et de la communauté internationale.

La capacité des ministres à s’affirmer, à proposer des réformes et à dialoguer avec l’opposition sera déterminante pour éviter une crise de succession violente.

Conclusion

Le Cameroun est à la croisée des chemins. L’émancipation progressive de certains ministres face à Paul Biya témoigne d’un changement profond dans la culture politique du pays. Si cette dynamique se confirme, elle pourrait ouvrir la voie à une transition pacifique et à une rénovation du système. Mais le risque d’un retour de bâton autoritaire ou d’une crise de succession reste réel. L’avenir du Cameroun dépendra de la capacité de ses élites à inventer un nouveau contrat politique, fondé sur le dialogue, la responsabilité et l’ouverture.

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