Un fléau invisible mais omniprésent : la menace des polluants éternels en Afrique
Depuis plusieurs années, la question des « polluants éternels » (PFAS, pour substances per- et polyfluoroalkylées) s’impose comme une urgence sanitaire et environnementale mondiale. L’Afrique, longtemps épargnée par les grands débats sur la pollution chimique, se retrouve aujourd’hui en première ligne. De Lagos à Casablanca, du Cap à Nairobi, des études récentes révèlent la présence inquiétante de ces substances dans les eaux, les sols, et parfois même dans les aliments. Face à ce défi, une véritable offensive continentale se met en place, mobilisant États, ONG, scientifiques et citoyens.
Qu’est-ce qu’un polluant éternel ?
Les PFAS regroupent des milliers de composés chimiques utilisés dans l’industrie et la vie courante : emballages alimentaires, textiles imperméables, mousses anti-incendie, cosmétiques, pesticides… Leur particularité : ils ne se dégradent pratiquement pas dans la nature, s’accumulent dans les organismes vivants et peuvent contaminer toute la chaîne alimentaire. Leur toxicité est avérée : cancers, troubles hormonaux, baisse de la fertilité, affaiblissement du système immunitaire, retards de développement chez l’enfant.
Des études alarmantes sur le continent
Au Nigeria, en Afrique du Sud, au Maroc, au Kenya, des analyses menées par des laboratoires indépendants et des universités locales ont détecté des concentrations de PFAS largement supérieures aux seuils recommandés par l’OMS. Certaines nappes phréatiques, sources d’eau potable pour des millions de personnes, sont contaminées. Des poissons, des légumes et même du lait maternel présentent des traces de polluants éternels. Les populations riveraines, souvent peu informées, sont les premières victimes.
Les risques pour la santé publique
L’exposition chronique aux PFAS est associée à une augmentation des cancers du rein et des testicules, à des troubles du métabolisme, à la stérilité et à des maladies auto-immunes. Les enfants et les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables. En Afrique, où les systèmes de santé sont déjà fragiles, la prise en charge des maladies liées à la pollution chimique représente un défi colossal.
Une mobilisation régionale et internationale
Face à l’ampleur du phénomène, plusieurs pays africains ont lancé des programmes de surveillance et de réduction de l’usage des PFAS. L’Union africaine, en partenariat avec l’OMS et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), a adopté en 2025 une feuille de route pour l’élimination progressive des polluants éternels. Cette stratégie prévoit la mise en place de normes communes, le renforcement des capacités de contrôle, la sensibilisation des industriels et la promotion de solutions alternatives plus sûres.
Le rôle des ONG et de la société civile
Les ONG environnementales africaines, comme Enda Tiers Monde, Jeunes Volontaires pour l’Environnement ou Green Africa Foundation, jouent un rôle moteur. Elles mènent des campagnes d’information, organisent des analyses indépendantes et accompagnent les communautés affectées pour faire valoir leur droit à un environnement sain. Des actions en justice sont en cours contre certaines entreprises accusées de pollution, notamment dans le secteur de la tannerie, des plastiques ou de l’agroalimentaire.

Des défis techniques et financiers
La lutte contre les polluants éternels nécessite des investissements importants dans la recherche, la dépollution et la modernisation des infrastructures de traitement de l’eau. De nombreux pays africains manquent de laboratoires équipés pour détecter les PFAS à des concentrations faibles et peinent à financer les campagnes de dépistage à grande échelle. La coopération internationale, à travers des fonds dédiés et des transferts de technologie, est essentielle pour accompagner les États africains dans cette transition.
L’enjeu de la prévention et de la réglementation
Pour éviter une aggravation de la crise, les experts recommandent d’agir à la source : interdire ou limiter l’usage des PFAS dans les produits de consommation courante. Plusieurs pays européens ont déjà adopté des législations restrictives, et l’Union africaine encourage ses membres à s’aligner sur ces standards. La sensibilisation des industriels, la formation des agents de contrôle et l’information du grand public sont des leviers clés pour accélérer la transition vers des alternatives plus sûres.
Des perspectives pour une Afrique plus résiliente
L’offensive contre les polluants éternels s’inscrit dans une dynamique plus large de protection de la santé publique et de l’environnement. Elle rejoint les objectifs du développement durable, la lutte contre la pollution plastique et la promotion d’une économie circulaire. Les jeunes chercheurs africains, les start-up de la green tech et les collectivités locales sont appelés à jouer un rôle moteur dans l’innovation et la mise en œuvre de solutions adaptées aux réalités du continent.
Conclusion : une urgence sanitaire et environnementale
L’Afrique ne peut plus ignorer la menace des polluants éternels. La mobilisation des États, de la société civile, des scientifiques et des partenaires internationaux est indispensable pour protéger les générations futures et garantir un développement durable. La priorité doit être donnée à la prévention, à la réglementation et à l’éducation, afin de construire une Afrique plus résiliente, plus saine et plus souveraine face aux défis du XXIe siècle.