Un retour controversé des tribunaux militaires pour les civils
L’Ouganda est au cœur d’une vive polémique depuis la décision du gouvernement d’autoriser à nouveau les procès militaires pour les civils accusés d’atteintes à la sécurité nationale. Cette mesure, présentée par les autorités comme une réponse à la recrudescence des menaces terroristes et à la montée de l’insécurité, suscite une levée de boucliers de la part de la société civile, des défenseurs des droits humains et de la communauté internationale. Pour beaucoup, il s’agit d’une régression inquiétante qui met en péril l’État de droit et les libertés fondamentales dans le pays.
Le contexte sécuritaire et politique : entre menaces réelles et instrumentalisation
L’Ouganda fait face à des défis sécuritaires majeurs, notamment dans le nord du pays, où la présence de groupes armés rebelles et terroristes, comme les ADF (Forces démocratiques alliées), alimente la peur et la violence. Le gouvernement justifie le recours aux tribunaux militaires par la nécessité de juger rapidement les affaires sensibles et de dissuader les actes de subversion. Mais pour de nombreux observateurs, cette stratégie s’inscrit aussi dans une logique de contrôle politique, visant à museler l’opposition, les journalistes et les militants associatifs.
Des procès expéditifs, une justice sous influence
Les procès militaires pour les civils sont dénoncés pour leur manque de transparence et de garanties procédurales. Souvent tenus à huis clos, ils privent les accusés du droit à un avocat indépendant, à la présomption d’innocence et à un recours effectif. Plusieurs ONG, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont documenté des cas de détentions arbitraires, de mauvais traitements et de condamnations injustifiées. Les familles des personnes concernées vivent dans l’angoisse, craignant pour la sécurité et l’avenir de leurs proches.
Des cas emblématiques qui choquent l’opinion
Parmi les affaires les plus médiatisées, on compte celle de jeunes activistes arrêtés lors de manifestations pacifiques, de journalistes accusés d’avoir « diffusé de fausses informations », ou encore de leaders communautaires soupçonnés de « complicité avec des groupes terroristes ». Ces cas illustrent la porosité entre la répression politique et la lutte contre l’insécurité, dans un contexte où la frontière entre opposition et criminalité est souvent floue aux yeux des autorités.
La réaction de la société civile et des avocats
Face à cette dérive, la société civile ougandaise s’organise. Des collectifs d’avocats, des ONG locales et des mouvements citoyens multiplient les recours devant les juridictions nationales et internationales. Des campagnes de sensibilisation sont menées pour informer la population sur ses droits et dénoncer les abus. Les médias indépendants jouent un rôle crucial dans la documentation des violations et dans la mobilisation de l’opinion publique, malgré les risques de représailles.
La communauté internationale hausse le ton
L’ONU, l’Union africaine et plusieurs partenaires bilatéraux de l’Ouganda ont exprimé leur préoccupation et appelé Kampala à respecter ses engagements internationaux en matière de droits humains. Des résolutions ont été adoptées pour demander la suspension immédiate des procès militaires pour les civils et l’ouverture d’un dialogue national sur la réforme du système judiciaire. Le respect de l’État de droit est désormais un critère clé pour la poursuite de la coopération et de l’aide internationale.

Les enjeux pour la démocratie ougandaise
Le recours aux tribunaux militaires pour juger des civils pose un défi majeur à la séparation des pouvoirs et à la confiance dans les institutions. Il risque d’alimenter la méfiance, de renforcer la répression politique et de fragiliser la démocratie naissante. Pour les experts, il est crucial de trouver un équilibre entre sécurité et respect des droits fondamentaux, notamment par la réforme du système judiciaire, la formation des magistrats et le renforcement des garanties procédurales.
Des pistes de sortie de crise
Pour sortir de l’impasse, il est recommandé d’engager un dialogue national incluant toutes les parties prenantes : gouvernement, opposition, société civile, communauté internationale. L’Ouganda doit démontrer sa volonté de concilier sécurité et respect des droits humains, sous peine de voir sa légitimité et son attractivité internationale durablement entamées.
Conclusion : un test pour l’État de droit en Afrique de l’Est
Le retour des procès militaires pour les civils est un test pour la démocratie ougandaise et, plus largement, pour l’État de droit en Afrique de l’Est. La manière dont cette question sera gérée influencera la confiance des citoyens dans leurs institutions et l’avenir démocratique du pays.