Le différend territorial entre le Venezuela et le Guyana autour de la région de l’Essequibo connaît un nouveau regain de tensions. Ce dimanche, le président vénézuélien Nicolás Maduro a réaffirmé avec force la souveraineté de son pays sur la Guyana Esequiba, une vaste zone riche en ressources naturelles, attisant l’inquiétude à Georgetown comme dans toute l’Amérique du Sud. Derrière cette querelle frontalière, se joue un bras de fer aux multiples dimensions : politiques, économiques, énergétiques et géostratégiques.
L’Essequibo, territoire disputé depuis deux siècles
La région de l’Essequibo, qui représente près des deux tiers du territoire du Guyana, est revendiquée par le Venezuela depuis le XIXe siècle. Héritage des découpages coloniaux, le litige a été ravivé ces dernières années par la découverte d’importants gisements pétroliers offshore, faisant de la question de la souveraineté un enjeu crucial pour les deux États.
Le Guyana administre de facto la région, mais le Venezuela considère l’arbitrage de 1899, qui avait attribué l’Essequibo à la colonie britannique, comme nul et non avenu. Depuis l’indépendance du Guyana en 1966, Caracas n’a jamais renoncé à sa revendication, alternant périodes de dialogue et de tensions.
Maduro hausse le ton et nomme un gouverneur
Ce week-end, Nicolás Maduro a franchi une nouvelle étape symbolique en annonçant la nomination d’un gouverneur pour la « Guayana Esequiba », promettant « des ressources, un budget et tout le soutien » pour « récupérer » la région au profit du peuple vénézuélien. « Le Guyana devra accepter la souveraineté du Venezuela sur l’Essequibo », a-t-il martelé lors d’un discours télévisé.
Cette déclaration intervient alors que le Guyana, soutenu par la Cour internationale de Justice (CIJ), refuse toute négociation bilatérale sur la souveraineté et poursuit le développement de ses ressources pétrolières avec des compagnies internationales, notamment ExxonMobil.
Une escalade qui inquiète la région
La montée des tensions a suscité de vives réactions dans la région. Le président guyanien Irfaan Ali a dénoncé une « provocation inacceptable » et appelé la communauté internationale à soutenir l’intégrité territoriale de son pays. Les pays membres de la Communauté des Caraïbes (Caricom) ont exprimé leur solidarité avec le Guyana, tandis que l’Organisation des États américains (OEA) a appelé au dialogue.
Les voisins sud-américains, Brésil en tête, surveillent la situation avec inquiétude. Une escalade militaire, même limitée, aurait des conséquences déstabilisatrices pour toute l’Amérique du Sud, déjà confrontée à d’autres foyers de tension.
Les enjeux énergétiques : pétrole, gaz et rivalités
Au cœur du conflit : la manne pétrolière. Depuis 2015, le Guyana a découvert d’immenses réserves offshore, faisant de ce petit pays l’un des futurs géants de l’or noir. Les revenus attendus pourraient transformer l’économie guyanienne, mais attisent aussi la convoitise du Venezuela, dont l’économie est en crise chronique malgré ses propres réserves.
Pour Caracas, la récupération de l’Essequibo serait un moyen de relancer son industrie pétrolière, d’attirer de nouveaux investissements et de renforcer sa légitimité politique. Pour Georgetown, il s’agit de défendre sa souveraineté et de garantir l’exploitation de ses ressources au bénéfice de sa population.
Les populations locales, premières concernées
Derrière les discours officiels, les populations de l’Essequibo vivent dans l’incertitude. Nombre d’entre elles, d’origine amérindienne ou créole, se sentent peu concernées par les querelles nationales mais redoutent l’impact d’un conflit sur leur quotidien. L’arrivée de nouveaux acteurs économiques, la pression sur les terres et les ressources naturelles, et la militarisation de la zone sont autant de sources d’inquiétude.
Des ONG locales appellent au respect des droits des communautés, à la protection de l’environnement et à la consultation des habitants sur tout projet de développement.
La médiation internationale, seule issue ?
Face à la crispation, la médiation internationale apparaît comme la seule voie raisonnable. La Cour internationale de Justice a été saisie par le Guyana, mais le Venezuela refuse de reconnaître sa compétence sur le fond. Les tentatives de médiation de l’ONU, du Brésil ou de la Caricom n’ont pour l’instant pas permis de désamorcer la crise.
Pour les experts, seule une solution négociée, respectueuse du droit international et des intérêts des populations, permettra d’éviter une escalade. Mais la tentation de l’instrumentalisation politique reste forte, dans un contexte de tensions internes au Venezuela et de rivalités géopolitiques croissantes.
Conclusion : l’Essequibo, test pour la paix régionale
Le dossier de l’Essequibo est un révélateur des nouveaux enjeux énergétiques et géopolitiques en Amérique du Sud. Pour le Venezuela comme pour le Guyana, il s’agit de défendre des intérêts vitaux, mais aussi de préserver la stabilité régionale. La communauté internationale, l’Union africaine comprise, a tout intérêt à soutenir le dialogue et la paix, pour éviter qu’un conflit oublié ne devienne une nouvelle poudrière.