La pandémie de COVID-19 a révélé la vulnérabilité de l’Afrique en matière de santé : moins de 1 % des vaccins produits globalement, dépendance aux importations, et inégalités d’accès criantes. En 2025, le continent riposte en accélérant sa quête de souveraineté pharmaceutique, avec des projets ambitieux mais confrontés à des défis structurels et géopolitiques.
Initiatives continentales : de la dépendance à l’autonomie
L’Union africaine a lancé en 2024 le Partenariat pour la Fabrication de Vaccins en Afrique (PAVM), visant à produire 60 % des vaccins du continent d’ici 2040. Des hubs régionaux émergent :
- Afrique du Sud : Le Biovac Institute, en partenariat avec Pfizer et Moderna, produit désormais des vaccins ARNm contre la COVID-19 et la tuberculose.
- Sénégal : L’Institut Pasteur de Dakar modernise ses lignes de production pour fabriquer 300 millions de doses annuelles de vaccins contre la fièvre jaune et la rougeole.
- Rwanda : Construction d’une usine BioNTech, spécialisée dans les vaccins anti-paludisme, avec un investissement de 150 millions de dollars.
Ces projets s’appuient sur des financements innovants, comme les obligations pandémiques émises par la BAD (Banque Africaine de Développement), et des partenariats Sud-Sud (Inde, Brésil) pour le transfert de technologies.
Défis persistants : financements, compétences, réglementation
Malgré les progrès, l’Afrique peine à combler son déficit de 11 milliards de dollars pour atteindre les objectifs du PAVM. Les obstacles incluent :
- Pénurie de main-d’œuvre qualifiée : Seulement 5 % des chercheurs pharmaceutiques mondiaux sont basés en Afrique.
- Fragmentation réglementaire : Des normes disparates entre pays retardent l’homologation des médicaments.
- Dépendance aux matières premières : 90 % des principes actifs sont encore importés d’Asie.
Solutions innovantes et résilience communautaire
Pour surmonter ces barrières, des approches disruptives émergent :
- Réseaux de micro-usines : Des unités mobiles de production de vaccins, développées par la start-up kényane VaxaTech, ciblent les zones rurales.
- Blockchain pour la traçabilité : La plateforme MediChain, utilisée au Ghana et au Nigeria, sécurise la distribution des médicaments contre les contrefaçons.
- Médecine traditionnelle validée : L’Afrique du Sud et le Madagascar intègrent des phytomédicaments (comme l’Artemisia contre le paludisme) dans leurs protocoles nationaux.
Coopération internationale : atout ou piège ?
Les partenariats avec l’OMS, Gavi et les labos occidentaux restent essentiels, mais suscitent des débats. Les accords de licence obligatoire, comme celui négocié par l’Afrique du Sud pour produire des génériques d’antirétroviraux, montrent la voie. Cependant, les clauses restrictives des contrats avec Pfizer ou Moderna rappellent les risques de dépendance technologique.
Perspectives : vers un système de santé intégré
La souveraineté pharmaceutique ne se résume pas aux vaccins. Elle implique :
- Renforcer les systèmes de santé primaire, via des initiatives comme Smart Health Africa (drones pour acheminer des médicaments).
- Investir dans la R&D locale, en s’appuyant sur des universités (Université du Cap, Université Cheikh Anta Diop).
- Harmoniser les politiques sanitaires via l’Agence Africaine du Médicament (AMA), opérationnelle depuis 2024.
En conclusion, l’Afrique transforme sa vulnérabilité en opportunité. En combinant innovations locales, coopération régionale et partenariats équitables, le continent bâtit un écosystème pharmaceutique résilient – clé pour sa sécurité sanitaire et son indépendance stratégique.