Tunisie – Nouvelle vague de départs de migrants vers l’Italie, 120 personnes secourues au large de Sfax

Tunisie : la Méditerranée, théâtre d’un nouvel exode

La Méditerranée centrale, l’une des routes migratoires les plus périlleuses au monde, a de nouveau été le théâtre d’un drame évité de justesse. Dans la nuit du 28 au 29 mai, les garde-côtes tunisiens ont secouru 120 migrants, dont de nombreux enfants et femmes enceintes, au large de Sfax. Cette opération, saluée par les ONG et les autorités, met en lumière l’intensification des départs depuis la Tunisie vers l’Italie, sur fond de crise économique, de tensions politiques et de pressions internationales croissantes.

Les faits : une opération de sauvetage en pleine nuit

Selon un communiqué des garde-côtes tunisiens, l’alerte a été donnée vers 2 heures du matin par des pêcheurs ayant repéré une embarcation surchargée, à la dérive à une trentaine de kilomètres des côtes de Sfax. Les migrants, entassés sur un bateau pneumatique de fortune, étaient en situation de détresse : moteur en panne, gilets de sauvetage insuffisants, plusieurs personnes déjà à l’eau.

L’intervention rapide des secours a permis de sauver la totalité des passagers, dont une trentaine de femmes et une douzaine d’enfants. Plusieurs migrants présentaient des signes de déshydratation et d’hypothermie, et ont été pris en charge à l’hôpital régional de Sfax. Aucun décès n’est à déplorer, mais le traumatisme reste vif parmi les rescapés, dont certains ont confié avoir déjà tenté la traversée à plusieurs reprises.

Un phénomène en forte hausse

Ce sauvetage n’est que le dernier d’une longue série. Selon les chiffres du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), plus de 18 000 migrants ont été interceptés ou secourus au large de la Tunisie depuis le début de l’année, un record historique. La majorité d’entre eux sont originaires d’Afrique subsaharienne (Guinée, Côte d’Ivoire, Mali, Nigeria), mais on compte aussi de plus en plus de Tunisiens fuyant la crise économique et le chômage.

Les départs s’intensifient à l’approche de l’été, période où la mer est plus clémente. Les réseaux de passeurs, de plus en plus organisés et violents, profitent du désespoir des candidats à l’exil, leur promettant une traversée rapide vers Lampedusa ou la Sicile pour des sommes pouvant atteindre 3 000 euros par personne.

Les causes profondes : crise économique et durcissement politique

La Tunisie traverse une crise sans précédent : inflation galopante, chômage massif, dévaluation du dinar, coupes budgétaires imposées par le FMI. Les jeunes, diplômés ou non, voient peu d’avenir dans leur pays et rêvent d’Europe. Les migrants subsahariens, quant à eux, fuient la xénophobie, les violences et la précarité, exacerbées par les discours politiques stigmatisants.

Le durcissement des contrôles aux frontières libyennes et algériennes, ainsi que la pression de l’Union européenne pour limiter les départs, ont fait de la Tunisie le principal point de départ des traversées vers l’Italie. Les autorités tunisiennes, sous la pression de Bruxelles et de Rome, multiplient les opérations de surveillance, mais peinent à endiguer le phénomène.

Les conséquences humaines et sociales

Les migrants secourus sont généralement placés dans des centres d’hébergement surpeuplés ou laissés à la rue, faute de places et de moyens. Les ONG dénoncent des conditions de vie indignes : manque d’eau, de nourriture, d’accès aux soins, violences policières. Les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables, exposés aux abus, à l’exploitation et à la traite.

De nombreux Tunisiens expriment leur solidarité, mais aussi leur lassitude face à une crise qui met à rude épreuve les ressources locales. Les tensions entre communautés, attisées par certains discours politiques, menacent la cohésion sociale.

Les réactions : appels à la solidarité et à la réforme

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont salué l’efficacité des garde-côtes tunisiens, tout en appelant à renforcer la protection des migrants et à garantir le respect de leurs droits fondamentaux. L’Union européenne, de son côté, promet un soutien financier accru à la Tunisie pour la gestion des flux migratoires, mais conditionne son aide à des réformes économiques et à une coopération renforcée en matière de retour des migrants irréguliers.

Les associations tunisiennes, elles, réclament une approche plus humaine et durable : lutte contre les réseaux de passeurs, création d’opportunités économiques pour les jeunes, intégration des migrants dans la société tunisienne, ouverture de voies légales de migration.

Perspectives : un défi régional et international

La crise migratoire en Méditerranée centrale ne peut être résolue par la seule Tunisie. Elle nécessite une coopération régionale et internationale : partage des responsabilités, développement solidaire, respect des droits humains. Les experts appellent à repenser la politique migratoire européenne, à investir dans l’éducation et l’emploi au Sud, et à renforcer les voies sûres et légales pour éviter les drames en mer.

Conclusion : la Méditerranée, frontière de l’espoir et du désespoir

Le sauvetage de 120 migrants au large de Sfax rappelle l’urgence d’agir pour protéger les vies humaines et offrir des alternatives à l’exil forcé. La Tunisie, à la croisée des chemins, doit choisir entre la fermeture et la solidarité, entre la répression et l’intégration. L’avenir de milliers de jeunes, d’enfants et de familles en dépend.

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