Tunisie : Les jeunes médecins désertent les hôpitaux pour protester contre la précarité

La Tunisie, réputée pour la qualité de son système de santé et la compétence de ses professionnels, traverse une crise sans précédent : une vague de départs massifs de jeunes médecins, lassés par la précarité de leurs conditions de travail, menace la viabilité des hôpitaux publics. Ce mouvement de protestation, inédit par son ampleur, met en lumière les failles d’un secteur en souffrance et suscite l’inquiétude des autorités comme de la population.

Un malaise profond dans les hôpitaux tunisiens

Depuis le début de l’année 2025, plusieurs centaines de jeunes médecins ont quitté leur poste dans les hôpitaux publics tunisiens, certains choisissant l’émigration, d’autres se reconvertissant dans le secteur privé ou dans des activités non médicales. En cause : des salaires jugés insuffisants, des horaires épuisants, un manque chronique de matériel et de médicaments, et l’absence de perspectives de carrière.

Les témoignages recueillis auprès des jeunes praticiens sont édifiants : « Nous sommes au bout du rouleau. Nous travaillons parfois plus de 80 heures par semaine, sans reconnaissance ni soutien. Beaucoup d’entre nous n’ont même pas de contrat stable », confie une interne en médecine à Tunis. La situation est particulièrement critique dans les régions intérieures, où la pénurie de médecins devient alarmante.

Une crise structurelle aggravée par la pandémie

La pandémie de Covid-19 a accentué les difficultés du secteur, révélant le sous-investissement chronique dans la santé publique. Les hôpitaux tunisiens, déjà fragilisés, ont dû faire face à une explosion de la demande, sans moyens supplémentaires. Les jeunes médecins, en première ligne, ont payé un lourd tribut, tant sur le plan physique que psychologique.

Face à la dégradation des conditions de travail, les syndicats de médecins ont multiplié les grèves et les sit-in devant le ministère de la Santé. Ils réclament une revalorisation des salaires, l’amélioration des infrastructures hospitalières et la mise en place d’un plan national de soutien à la profession.

L’exode médical, une menace pour l’avenir

Selon les chiffres du Conseil national de l’Ordre des médecins, plus de 1 200 praticiens tunisiens ont émigré à l’étranger en 2024, principalement vers la France, l’Allemagne et les pays du Golfe. Ce phénomène, qui s’accélère, prive la Tunisie de ses ressources humaines les plus qualifiées et aggrave les inégalités d’accès aux soins entre les grandes villes et les zones rurales.

Les autorités tunisiennes reconnaissent la gravité de la situation. Le ministère de la Santé a annoncé la création d’un groupe de travail chargé de proposer des solutions rapides, mais les syndicats jugent ces mesures insuffisantes et réclament un engagement politique fort.

Un enjeu social et politique majeur

La crise des jeunes médecins dépasse le cadre du secteur de la santé : elle révèle le malaise d’une jeunesse diplômée, confrontée au chômage, à la précarité et à la désillusion. Pour beaucoup, le départ des médecins est le symptôme d’un mal plus profond, celui de la perte de confiance dans les institutions et dans l’avenir du pays.

Des voix s’élèvent pour appeler à une refonte du modèle de santé tunisien, fondé sur la valorisation des ressources humaines, l’investissement dans la formation et la modernisation des infrastructures. La société civile, les associations de patients et les médias se mobilisent pour soutenir les revendications des jeunes médecins et sensibiliser l’opinion publique à l’urgence de la situation.

Quelles perspectives ?

La Tunisie, qui a longtemps formé des médecins pour toute l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, risque de perdre son statut de pôle régional d’excellence si la crise persiste. Les experts recommandent un plan d’action ambitieux, associant l’État, les partenaires sociaux et la communauté médicale, pour restaurer l’attractivité du métier et garantir l’accès aux soins pour tous.

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