Introduction
La « Belt and Road Initiative » (BRI), plus connue sous le nom de « Nouvelles routes de la soie », est sans doute le projet géopolitique et économique le plus ambitieux du XXIe siècle. Lancée par la Chine en 2013, elle vise à relier l’Asie, l’Europe, l’Afrique et l’Amérique latine par un vaste réseau d’infrastructures, de ports, de chemins de fer, d’autoroutes et de corridors énergétiques. L’Afrique, avec ses besoins en développement et son potentiel de croissance, occupe une place centrale dans cette stratégie. Mais derrière les promesses d’investissements massifs et de partenariats « gagnant-gagnant », se cachent aussi des enjeux de souveraineté, de dépendance et de rivalités géopolitiques. Africanova propose une analyse approfondie des nouvelles ambitions chinoises et de leurs impacts pour le continent africain.
L’Afrique, pilier des routes de la soie
Depuis dix ans, la Chine a investi plus de 150 milliards de dollars en Afrique, finançant ports, chemins de fer, routes, barrages, zones industrielles et réseaux numériques. Des projets phares comme le port de Mombasa au Kenya, le chemin de fer Addis-Abeba-Djibouti ou la nouvelle capitale administrative d’Égypte symbolisent cette présence croissante. Pour de nombreux pays africains, ces investissements sont une opportunité unique de combler le déficit d’infrastructures, de stimuler la croissance et de s’intégrer aux chaînes de valeur mondiales.
Les promesses : développement et intégration
Les défenseurs de la BRI insistent sur ses bénéfices : création d’emplois, transfert de technologies, amélioration de la connectivité régionale, accès à de nouveaux marchés. La Chine se présente comme un partenaire « sans condition politique », respectueux de la souveraineté des États africains, à la différence des bailleurs occidentaux. De nombreux gouvernements africains saluent la rapidité d’exécution des projets chinois, leur financement flexible et leur capacité à transformer le paysage économique local.
Les risques : endettement, dépendance, souveraineté
Mais la BRI suscite aussi de vives critiques. Plusieurs pays africains, du Kenya à Djibouti en passant par la Zambie, se retrouvent confrontés à une dette publique insoutenable, alimentée par des prêts chinois à taux parfois élevés. Des infrastructures surdimensionnées ou mal adaptées aux besoins locaux peinent à générer les revenus attendus. La dépendance vis-à-vis des entreprises et des technologies chinoises limite la capacité des États à négocier, à réguler et à protéger leurs intérêts stratégiques.
Des cas emblématiques, comme la prise de contrôle du port de Hambantota au Sri Lanka par la Chine, inquiètent les observateurs africains : la crainte d’une « diplomatie de la dette » et d’une perte de souveraineté grandit.
Rivalités et enjeux géopolitiques
La montée en puissance de la Chine en Afrique bouscule les équilibres régionaux et mondiaux. Les États-Unis, l’Union européenne, l’Inde et la Turquie cherchent à contrer l’influence chinoise par des initiatives concurrentes (Partnership for Global Infrastructure, Global Gateway…). Les pays africains, pris dans ce « grand jeu », tentent de tirer parti de la concurrence pour maximiser les retombées et préserver leur autonomie.
La BRI a aussi des implications sécuritaires : la présence chinoise dans des ports stratégiques, la construction de bases militaires (Djibouti), la maîtrise des réseaux numériques (5G, câbles sous-marins) soulèvent des questions de sécurité, de cybersurveillance et de contrôle des données.
Enjeux environnementaux et sociaux
Les projets d’infrastructures à grande échelle ont un impact majeur sur l’environnement (déforestation, pollution, déplacements de populations) et sur les sociétés locales (conditions de travail, respect des droits humains). Les ONG et les communautés appellent à une meilleure évaluation des risques, à la transparence des contrats et à la participation des populations concernées.
Vers un partenariat plus équilibré ?
Face aux critiques, la Chine adapte son discours : elle promet des investissements « verts », une meilleure prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux, et une coopération accrue avec les institutions africaines. L’Union africaine, la BAD et d’autres acteurs régionaux cherchent à renforcer leur capacité de négociation, à mutualiser les expertises et à promouvoir des projets réellement bénéfiques pour le développement durable.
Conclusion
Les nouvelles routes de la soie représentent à la fois une chance et un défi pour l’Afrique. Le continent doit saisir les opportunités offertes par la BRI, tout en veillant à préserver sa souveraineté, à diversifier ses partenariats et à exiger des conditions équitables et transparentes. L’avenir de la coopération sino-africaine dépendra de la capacité des deux parties à construire une relation de confiance, respectueuse des intérêts de chacun.