Introduction
Les élections générales de décembre 2023 en République démocratique du Congo (RDC), marquées par des irrégularités massives et des violences, ont consacré la réélection contestée de Félix Tshisekedi. Dans un contexte de crise humanitaire et de résurgence des conflits armés à l’Est, ce scrutin révèle les fractures d’une démocratie fragilisée.
Un processus électoral entaché de dysfonctionnements
Le scrutin du 20 décembre 2023 a été qualifié de « gigantesque désordre organisé » par les opposants et la société civile. Parmi les anomalies documentées :
- Retards d’ouverture des bureaux de vote dans 60 % des cas selon les églises congolaises.
- Absence d’électeurs sur les listes et cartes d’électeurs inéligibles.
- Défaillances techniques des machines à voter, avec des incidents dans 21 % des bureaux observés.
La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a proclamé Félix Tshisekedi vainqueur avec 73,34 % des voix, un résultat rejeté par l’opposition, qui réclame l’annulation du scrutin. Moïse Katumbi, Martin Fayulu et Denis Mukwege dénoncent des « fraudes massives » et préparent des marches de protestation.
Violences politiques : Un climat pré- et post-électoral explosif
La campagne a été émaillée d’affrontements entre partisans de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, parti au pouvoir) et de l’opposition :
- Un mort dans des heurts à Kinshasa après qu’un véhicule aux couleurs de l’UDPS a percuté un opposant.
- Menaces contre des journalistes et leaders politiques, notamment par des militants pro-gouvernementaux.
- Discours de haine et tensions ethniques exacerbées, selon l’Union européenne.
Malgré les appels à la « retenue » de 15 ambassades, les opposants maintiennent leur mobilisation, exigeant un recomptage des voix et une réforme de la CENI.
L’Est en crise : Un terreau pour l’instabilité
Dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, les groupes armés sapent la crédibilité du processus électoral :
- 7 millions de déplacés internes, selon l’ONU, privés de droit de vote.
- Implication présumée du Rwanda dans le soutien au M23, exacerbant les tensions régionales.
- Déclaration de guerre conditionnelle de Tshisekedi envers Kigali, alimentant les craintes d’un conflit ouvert.
Cette insécurité persistante handicape l’accès aux bureaux de vote et renforce les critiques sur la représentativité du scrutin.
Réactions internationales : Entre scepticisme et realpolitik
Si la mission d’observation de l’Union africaine évoque un scrutin « relativement calme », le Centre Carter relève des « graves irrégularités ». L’Union européenne, dont la mission réduite a été jugée partiale, exprime des réserves sur la transparence.
Parallèlement, la communauté internationale reste prudente, évitant de remettre en cause frontalement la légitimité de Tshisekedi, perçu comme un rempart contre l’expansion des groupes armés.
Conclusion : Les défis d’une légitimité fragile
La réélection de Tshisekedi s’inscrit dans un cycle de défiance institutionnelle et de violences structurelles. Pour éviter l’escalade, les priorités incluent :
- Un dialogue inclusif avec l’opposition et la société civile.
- Une réforme de la CENI pour restaurer la confiance dans le processus électoral.
- Une réponse coordonnée à la crise sécuritaire de l’Est, condition sine qua non de la stabilité nationale.