Africanova Société | 29 mai 2025
Introduction : Lagos s’embrase face à la crise du carburant
Le Nigeria, premier producteur de pétrole d’Afrique, traverse une nouvelle tempête sociale. Le 29 mai 2025, la mégapole de Lagos a été le théâtre de manifestations massives contre la flambée du prix du carburant. Des milliers de Nigérians, excédés par la hausse brutale des prix à la pompe, sont descendus dans les rues, paralysant la capitale économique du pays. Les protestations, émaillées d’affrontements avec la police, témoignent de la colère d’une population déjà éprouvée par l’inflation et la précarité.
Les faits : une mobilisation spontanée et inédite
Dès l’aube, des cortèges se sont formés dans plusieurs quartiers de Lagos : Ikeja, Surulere, Yaba, Lekki… Les manifestants, brandissant des pancartes « Stop à la vie chère », « Non à la hausse du carburant », ont bloqué les principaux axes routiers et appelé à une grève générale. Les transports publics ont été perturbés, de nombreux commerces sont restés fermés, et des files d’attente interminables se sont formées devant les stations-service.
La police antiémeute est rapidement intervenue pour disperser les rassemblements, utilisant gaz lacrymogènes et matraques. Plusieurs arrestations ont été signalées, ainsi que des blessés légers parmi les manifestants. Malgré la répression, la mobilisation s’est poursuivie tout au long de la journée, portée par les syndicats, les étudiants et les associations de consommateurs.
Les causes : une hausse des prix insoutenable
Depuis plusieurs semaines, le prix du litre d’essence a augmenté de plus de 40 %, atteignant des niveaux record dans un pays où le carburant est vital pour l’économie et la vie quotidienne. Cette flambée s’explique par la suppression des subventions étatiques, une mesure imposée par le gouvernement pour réduire le déficit budgétaire et répondre aux exigences du FMI.
Mais pour la population, déjà confrontée à l’envolée des prix des denrées alimentaires et à la dépréciation du naira, cette nouvelle hausse est la goutte d’eau de trop. « On ne peut plus se déplacer, travailler ou nourrir nos familles », déplore un chauffeur de taxi. « Le gouvernement doit entendre notre souffrance. »
Les conséquences économiques et sociales
La crise du carburant a des répercussions immédiates sur l’ensemble de l’économie nigériane. Les transports sont désorganisés, les prix des produits de première nécessité explosent, et de nombreux petits entrepreneurs voient leur activité menacée. Les écoles et universités ont suspendu les cours dans plusieurs quartiers de Lagos, par crainte de débordements.
Les syndicats menacent d’appeler à une grève générale si le gouvernement ne revient pas sur sa décision. L’Association des transporteurs routiers estime que « des milliers d’emplois sont en jeu » et que « la paix sociale est menacée ».
Les réactions politiques
Face à la colère, le président Bola Tinubu a appelé au calme et promis d’ouvrir un dialogue avec les représentants des manifestants. Il a justifié la suppression des subventions par la nécessité de « sauver l’économie nationale » et de « lutter contre la corruption et la contrebande ». Mais ses explications peinent à convaincre une opinion publique désabusée.
L’opposition politique, de son côté, dénonce une politique « antisociale » et réclame des mesures d’urgence pour protéger les plus vulnérables. Plusieurs partis appellent à une révision du budget et à la mise en place de filets de sécurité pour les familles modestes.
Un enjeu national et régional
La crise du carburant au Nigeria a des répercussions au-delà des frontières. Le pays, principal fournisseur de pétrole brut en Afrique de l’Ouest, exporte également du carburant raffiné vers ses voisins (Bénin, Niger, Cameroun). La hausse des prix et les perturbations logistiques risquent d’entraîner une flambée des prix dans toute la région.
Les observateurs internationaux s’inquiètent d’une possible contagion sociale, alors que plusieurs pays africains font face à des défis similaires : inflation, suppression des subventions, mécontentement populaire.
La voix des citoyens
Dans les rues de Lagos, la détermination est palpable. « Nous ne voulons pas la violence, mais nous voulons être entendus », explique une manifestante. Les réseaux sociaux amplifient la mobilisation, avec les hashtags #FuelProtest et #EnoughIsEnough en tête des tendances au Nigeria.
Des leaders d’opinion, artistes et influenceurs appellent à la solidarité et à la vigilance face aux risques de récupération politique ou de répression. « C’est le peuple qui souffre, pas les élites », résume un blogueur populaire.
Perspectives et solutions
Pour sortir de la crise, plusieurs pistes sont évoquées : rétablissement temporaire des subventions, contrôle des prix, soutien ciblé aux plus pauvres, relance de la production locale de carburant. Mais la solution durable passe par une réforme en profondeur du secteur pétrolier, gangrené par la corruption et le manque d’investissements.
Le Nigeria, géant pétrolier, importe encore la majorité de son carburant, faute de raffineries opérationnelles. La mise en service de la raffinerie Dangote, prévue pour la fin 2025, pourrait changer la donne à moyen terme. Mais pour l’heure, l’urgence est de répondre à la détresse sociale et de restaurer la confiance.
Conclusion : Un test pour la démocratie nigériane
Les manifestations de Lagos sont un signal d’alarme pour les autorités nigérianes : la population n’acceptera plus de porter seule le poids des réformes. Le dialogue, la transparence et la justice sociale sont les clés pour éviter une escalade de la crise. Le Nigeria joue sa stabilité et son avenir démocratique dans la gestion de cette colère populaire.