L’arrestation du directeur local de la société Orano au Niger, survenue au début du mois de mai 2025, a provoqué une onde de choc dans le secteur minier et sur la scène diplomatique. Orano, géant français du nucléaire et principal exploitant des mines d’uranium nigériennes, s’est retrouvé au cœur d’une crise politique inattendue. L’entreprise dénonce une « arrestation arbitraire » et une « détention illégale », tandis que les autorités nigériennes évoquent des soupçons de fraude et d’atteinte à la souveraineté nationale. Cette affaire met en lumière les fragilités du partenariat entre le Niger et ses partenaires étrangers, ainsi que les enjeux économiques et géopolitiques liés à l’exploitation des ressources stratégiques.
Depuis plusieurs décennies, l’uranium du Niger alimente les centrales nucléaires françaises et européennes, faisant du pays l’un des principaux fournisseurs mondiaux. Orano, ex-Areva, a longtemps bénéficié d’un statut privilégié, mais la donne a changé avec l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement plus soucieux de défendre les intérêts nationaux. La montée du sentiment souverainiste, alimentée par la crise sécuritaire et les tensions avec les anciennes puissances coloniales, a conduit à une remise en cause des accords miniers et à une volonté de renégocier les contrats. L’arrestation du directeur d’Orano s’inscrit dans ce contexte de bras de fer entre l’État nigérien et les multinationales étrangères.
Pour Orano, l’enjeu est de taille. L’entreprise craint que cette affaire ne remette en cause sa présence au Niger, où elle emploie des milliers de personnes et réalise l’essentiel de sa production africaine. La direction du groupe a immédiatement saisi la justice nigérienne et sollicité le soutien des autorités françaises, dénonçant une violation du droit international et des conventions bilatérales. De son côté, le gouvernement nigérien affirme agir dans le respect de la loi et de la souveraineté nationale, tout en laissant entendre que l’affaire pourrait être réglée par la voie diplomatique. Les négociations s’annoncent délicates, dans un climat de méfiance et de surenchère politique.
Cette crise survient alors que le Niger cherche à diversifier ses partenaires et à attirer de nouveaux investisseurs, notamment chinois et russes. La concurrence internationale sur le marché de l’uranium est de plus en plus vive, et le pays entend jouer de sa position stratégique pour obtenir de meilleures conditions. L’affaire Orano pourrait ainsi servir de levier pour renégocier les contrats, augmenter les redevances et renforcer le contrôle de l’État sur la filière. Mais elle comporte aussi des risques : un retrait ou une réduction des activités d’Orano aurait des conséquences économiques et sociales majeures, dans un pays où le secteur minier représente une part essentielle des recettes publiques.
Sur le plan diplomatique, l’affaire a déjà tendu les relations entre Paris et Niamey. La France, qui voit dans l’uranium nigérien un enjeu vital pour sa sécurité énergétique, multiplie les démarches pour obtenir la libération de son ressortissant et préserver ses intérêts stratégiques. Le Niger, de son côté, cherche à affirmer sa souveraineté et à envoyer un message fort à ses partenaires : il n’est plus question d’accepter des accords jugés inéquitables ou de tolérer des pratiques opaques. Cette confrontation pourrait avoir des répercussions sur l’ensemble de la région, où la compétition pour les ressources naturelles s’intensifie.
La société civile nigérienne, quant à elle, suit l’affaire avec attention. Certains y voient une occasion de remettre en cause la dépendance du pays à l’égard des multinationales et de réclamer une meilleure redistribution des richesses. D’autres redoutent une escalade qui pourrait décourager les investisseurs et aggraver la crise économique. Les syndicats des travailleurs du secteur minier, inquiets pour l’emploi et la stabilité sociale, appellent à une solution rapide et équitable.
En conclusion, l’affaire Orano au Niger illustre les tensions croissantes entre souveraineté nationale, intérêts économiques et enjeux géopolitiques. Elle pose la question de l’avenir du partenariat entre le Niger et ses partenaires étrangers, dans un contexte de concurrence internationale accrue et de montée des revendications souverainistes. L’issue de la crise dépendra de la capacité des parties à trouver un compromis respectueux des intérêts de chacun, mais aussi des attentes de la population nigérienne en matière de justice, de transparence et de développement. Au-delà du cas Orano, c’est l’ensemble du modèle extractif africain qui est interrogé, à l’heure où les ressources stratégiques deviennent un enjeu central des rapports de force mondiaux.