Le narcotrafic n’est plus un phénomène marginal en Afrique de l’Ouest. Il façonne désormais l’économie informelle, alimente la corruption et menace la stabilité régionale. Au cœur de ce système, l’argent liquide joue un rôle central, comme l’a rappelé récemment le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin : « L’argent liquide, c’est le nerf de la guerre. » Cette réalité s’impose aussi bien à Bamako qu’à Lagos ou Abidjan, où les flux financiers issus du trafic de drogue irriguent tous les niveaux de la société.
Des routes de la cocaïne aux marchés africains
Depuis une quinzaine d’années, l’Afrique de l’Ouest est devenue une plaque tournante du trafic international de cocaïne, en provenance d’Amérique latine et à destination de l’Europe. Les cartels sud-américains s’appuient sur des réseaux locaux pour acheminer la marchandise, la stocker et la redistribuer. Les ports de Conakry, Lomé, Cotonou ou Dakar sont régulièrement cités dans les rapports d’Interpol et de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
L’argent liquide : un outil de pouvoir et de corruption
Le narcotrafic génère d’énormes profits, mais il doit aussi rester discret. L’argent liquide circule donc massivement, échappant aux contrôles bancaires et facilitant le blanchiment. Il sert à corrompre policiers, douaniers, juges ou responsables politiques, à financer des milices armées et à acheter le silence des populations. Dans certains quartiers populaires, les trafiquants sont perçus comme des bienfaiteurs, distribuant des billets pour acheter la paix sociale.
Les conséquences sur l’économie et la société
Cette économie parallèle fausse la concurrence, déstabilise les marchés et alimente l’inflation. Elle prive les États de ressources fiscales, fragilise les institutions et mine la confiance dans la justice. Surtout, elle favorise l’émergence de mafias locales, capables de rivaliser avec l’État en termes de pouvoir et d’influence. « Le narcotrafic nourrit l’insécurité et l’instabilité politique », souligne un expert de l’ONUDC.
Les réponses des États : entre répression et prévention
Face à l’ampleur du phénomène, les gouvernements africains multiplient les opérations policières, les saisies de drogue et les arrestations. Mais ces actions restent souvent ponctuelles et peu coordonnées. Le manque de moyens, la corruption et la peur des représailles limitent l’efficacité des dispositifs. Certains pays tentent d’aller plus loin, en renforçant la coopération régionale, en modernisant les douanes et en développant des programmes de prévention à destination des jeunes.
La tentation de supprimer l’argent liquide
Pour couper les vivres aux trafiquants, l’idée de restreindre l’usage de l’argent liquide fait son chemin. Plusieurs États africains encouragent la bancarisation, le paiement mobile et la traçabilité des transactions. Mais la transition est difficile dans des économies où la majorité des échanges se fait encore en cash. La méfiance envers les banques, le faible taux de bancarisation et l’absence d’infrastructures adaptées freinent le mouvement.
Le rôle de la société civile et des partenaires internationaux
ONG, médias, associations de quartier : la société civile se mobilise pour sensibiliser, dénoncer et proposer des alternatives. Les partenaires internationaux, de l’Union européenne à la CEDEAO, investissent dans la formation, l’équipement et l’échange d’informations. Mais la lutte contre le narcotrafic ne pourra aboutir sans une volonté politique forte et une mobilisation de tous les acteurs.
Conclusion : une bataille de longue haleine
La guerre contre le narcotrafic et le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest est loin d’être gagnée. Mais elle est essentielle pour préserver la stabilité, la sécurité et le développement du continent. L’avenir dépendra de la capacité des États à moderniser leurs systèmes financiers, à renforcer la justice et à offrir des perspectives économiques aux jeunes générations, principales cibles des réseaux criminels.