Une Méditerranée sous tension : l’actualité des flux migratoires
Au printemps 2025, la Méditerranée reste le théâtre d’une crise migratoire persistante, mettant en lumière les failles des politiques migratoires européennes et la vulnérabilité des pays africains de départ et de transit. Les images de migrants secourus ou disparus en mer, les démantèlements de camps en Tunisie ou en Libye, et la saturation des centres d’accueil en Italie, à Malte ou en Espagne rappellent l’urgence d’une réponse humanitaire et politique à la hauteur du défi.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 40 000 personnes ont tenté la traversée depuis le début de l’année, dont une majorité de ressortissants d’Afrique subsaharienne, du Maghreb, mais aussi du Moyen-Orient. Le nombre de morts et de disparus en mer reste dramatiquement élevé, faisant de la Méditerranée la route migratoire la plus mortelle au monde.
Les facteurs d’accélération des migrations
Plusieurs facteurs expliquent la persistance et même l’accélération des flux migratoires vers l’Europe : instabilité politique, conflits armés (Soudan, Libye, Sahel), pauvreté chronique, effets du changement climatique (sécheresses, inondations), absence de perspectives économiques et répression dans certains pays. Les réseaux de passeurs, de plus en plus structurés et violents, profitent du désespoir des candidats à l’exil.
La situation en Tunisie illustre la complexité du phénomène. Les démantèlements de camps, notamment dans la région de Sfax, ont laissé des milliers de migrants sans abri ni solution durable, exposés à la violence, à la faim et à l’exploitation. Les autorités tunisiennes, sous pression de l’Union européenne, peinent à gérer l’afflux et à offrir des alternatives crédibles.
L’Europe face à ses contradictions
L’Union européenne, confrontée à la montée des populismes et à la pression de l’opinion publique, a renforcé le contrôle de ses frontières extérieures. Le soutien à Frontex, l’externalisation des politiques migratoires vers les pays du Maghreb, et la multiplication des accords bilatéraux visent à limiter les arrivées, parfois au prix de violations des droits fondamentaux.
En Italie, la saturation des centres d’accueil et la difficulté à répartir les demandeurs d’asile entre États membres alimentent les tensions politiques. Les discours anti-migrants prospèrent, tandis que les ONG de secours en mer sont souvent entravées dans leur action.
Pourtant, l’Europe reste dépendante de la main-d’œuvre étrangère, notamment dans l’agriculture, la santé et le bâtiment. Le vieillissement démographique accentue ce paradoxe, rendant indispensable une réflexion sur des voies de migration légale et ordonnée.
Les pays africains entre départ, transit et retour
Pour les pays africains, la migration est à la fois une source d’opportunités (transferts de fonds, formation, ouverture internationale) et de défis (perte de capital humain, tensions sociales, gestion des retours). Les politiques nationales oscillent entre contrôle accru, coopération avec l’Europe et tentatives de valorisation des diasporas.
Des initiatives comme le Programme de retour volontaire de l’OIM, les accords de réadmission, ou les projets de développement local visent à offrir des alternatives à l’exil forcé. Mais les résultats restent limités face à la pression démographique et à la faiblesse des économies locales.
Crise humanitaire et enjeux de droits humains
La crise migratoire en Méditerranée est avant tout une crise humanitaire. Les migrants, souvent victimes de violences, d’extorsion, de traite ou d’abus, sont privés de protection juridique et d’accès aux services essentiels. Les femmes et les enfants paient un tribut particulièrement lourd.
L’appel des ONG et des agences internationales à une approche fondée sur les droits humains reste largement lettre morte. Les politiques de dissuasion, les expulsions collectives et le manque de solidarité européenne aggravent la précarité des migrants et alimentent l’instabilité régionale.
Vers une nouvelle gouvernance des migrations ?
Face à l’ampleur du défi, une nouvelle gouvernance des migrations s’impose. Elle doit reposer sur la coopération régionale, la protection des droits fondamentaux, le développement des voies légales de migration et le soutien aux pays d’origine et de transit. L’Afrique et l’Europe partagent la responsabilité de trouver des solutions durables, respectueuses de la dignité humaine.
L’intégration des diasporas, la valorisation des compétences des migrants et la lutte contre les causes profondes de l’exil – pauvreté, conflits, changement climatique – sont des leviers essentiels pour transformer la migration en opportunité partagée.