Médecine traditionnelle et biomédecine en Afrique : complémentarités ou rivalités ?

Introduction :
En Afrique subsaharienne, 80 % de la population a recours à la médecine traditionnelle, selon l’OMS. Cette coexistence avec la biomédecine pose des défis majeurs pour les politiques sanitaires, entre reconnaissance culturelle et impératifs scientifiques.

La médecine traditionnelle : un pilier culturel et thérapeutique
Les pratiques ancestrales restent ancrées dans les sociétés africaines :

  • Plantes médicinales : L’Artemisia afra utilisée contre le paludisme au Kenya, ou l’Harungana madagascariensis pour les troubles hépatiques au Cameroun.
  • Rituels thérapeutiques : Les guérisseurs sangoma en Afrique du Sud combinent herboristerie et communication avec les ancêtres.
  • Transmission des savoirs : Les écoles de formation de tradipraticiens au Bénin (Faculté des Sciences de la Santé Traditionnelle) légitiment ces pratiques.

Conflits et synergies avec la biomédecine
Les interactions entre les deux systèmes oscillent entre collaboration et méfiance :

  1. Collaborations institutionnelles :
  1. Au Ghana, des hôpitaux intègrent des tradipraticiens pour traiter les maladies chroniques (diabète, hypertension).
  2. Le programme TRAMED de l’Union africaine vise à certifier les remèdes traditionnels (ex. Niprisan pour la drépanocytose).
  1. Tensions persistantes :
  1. Accusations de charlatanisme contre les guérisseurs (cas des « faux vaccins » au Congo).
  2. Concurrence économique : les laboratoires pharmaceutiques voient d’un mauvais œil la commercialisation de tisanes anticancéreuses.

Enjeux de régulation et de sécurité
L’absence de cadre légal clair expose les patients à des risques :

  • Toxicité : Des mélanges à base de Sutherlandia frutescens peuvent provoquer des hépatites aiguës.
  • Propriété intellectuelle : Biopiraterie des savoirs traditionnels par des firmes occidentales (cas du Hoodia gordonii volé aux San d’Afrique du Sud).
  • Diagnostics erronés : Certains guérisseurs attribuent le VIH à des causes surnaturelles, retardant le traitement.

Perspectives : Vers un modèle intégré ?
Des initiatives prometteuses émergent pour concilier les deux approches :

  • Recherche hybrides : L’Université de Lagos teste l’efficacité de l’Euphorbia hirta contre les infections respiratoires.
  • Assurances santé inclusives : Au Sénégal, les mutuelles couvrent désormais les consultations chez les tradipraticiens agréés.
  • Éducation croisée : Formation des infirmiers aux plantes locales et des guérisseurs aux bases de l’hygiène moderne.

Que retenir ?
La complémentarité entre médecine traditionnelle et biomédecine en Afrique ne pourra se réaliser sans une reconnaissance mutuelle et un cadre réglementaire strict. L’enjeu est de taille : offrir des soins accessibles tout en préservant un patrimoine culturel millénaire.

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