Mali – Suspension généralisée des partis politiques : vers la fin du pluralisme ?

Introduction

Le 7 mai 2025, la junte militaire au pouvoir au Mali a franchi un nouveau cap en suspendant, par décret, toutes les activités des partis politiques et associations à vocation politique sur l’ensemble du territoire national6. Cette mesure, inédite dans l’histoire récente du pays, intervient dans un climat de crispation politique et de contestation croissante contre la transition dirigée par le général Assimi Goïta. Elle s’inscrit dans une série de réformes et de restrictions visant à remodeler en profondeur le paysage politique malien, sur fond de crise sécuritaire persistante et de report indéfini des élections. Analyse des motivations, des réactions et des conséquences de cette suspension sur la démocratie malienne.

Un décret aux conséquences majeures

Le décret du 7 mai 2025 acte la suspension immédiate de toutes les organisations à caractère politique, qu’il s’agisse de partis ou d’associations, et ce « jusqu’à nouvel ordre »6. Les autorités invoquent des « impératifs d’ordre public » pour justifier cette décision, alors qu’une manifestation critique à l’égard de la transition était prévue le 9 mai.
Ce durcissement intervient après plusieurs incidents : empêchement de réunions publiques de l’opposition, violences lors de rassemblements, et adoption d’un projet de loi visant à supprimer la Charte des partis politiques et le statut de l’opposition, à abolir le financement public des partis et à instaurer des conditions d’accès drastiques à la vie politique (notamment une caution de 100 millions de francs CFA pour créer un parti)6.

Vers la disparition du pluralisme politique

Les recommandations issues des assises d’avril 2025 vont encore plus loin : elles préconisent la disparition pure et simple des partis existants et suggèrent que le président de la transition puisse briguer un mandat présidentiel de cinq ans renouvelable, dans la lignée des régimes militaires du Burkina Faso et du Niger, réunis au sein de la Confédération des États du Sahel (AES)6.
De nombreux partis maliens dénoncent un « simulacre de dialogue » et une volonté manifeste d’étouffer le pluralisme politique. L’ancien Premier ministre Moussa Mara a appelé à la mobilisation citoyenne pour défendre la démocratie et préserver les acquis républicains.

Une contestation qui s’organise

Face à cette offensive contre les libertés politiques, une large coalition de partis et d’associations a rejeté catégoriquement le décret, le qualifiant d’« illégal et inconstitutionnel ». Ils rappellent qu’aucun texte juridique ne permet au pouvoir exécutif de suspendre l’ensemble des partis politiques, seule la justice pouvant prononcer une dissolution au cas par cas.
Des procédures judiciaires sont engagées pour obtenir l’annulation du décret, tandis que des mobilisations citoyennes non violentes se multiplient à Bamako et dans les grandes villes. Les opposants dénoncent aussi les pressions, intimidations et violences visant certains de leurs responsables, dans un climat de peur et de répression politique.

Un climat de report électoral permanent

Depuis leur arrivée au pouvoir, les autorités de transition ont reporté à plusieurs reprises les élections, initialement prévues pour février 2024. Le dialogue inter-malien d’avril 2024 a recommandé une prolongation de la transition au-delà de 2025, malgré les engagements antérieurs. L’opposition continue de réclamer une fin de la transition au plus tard le 31 décembre 2025 et un calendrier transparent pour le retour à l’ordre constitutionnel6.

Les risques pour la stabilité et la démocratie

La suspension des partis politiques consacre la mainmise de la junte sur le pouvoir et la fermeture de l’espace politique. Elle affaiblit la légitimité du régime et risque de radicaliser la contestation.
Dans un contexte de crise sécuritaire persistante, cette dérive autoritaire pourrait aggraver les tensions et compromettre la cohésion nationale. La communauté internationale, tout en appelant au dialogue, s’inquiète de la dérive malienne et de son impact sur la stabilité régionale.

Conclusion

La suspension généralisée des partis politiques au Mali marque une rupture profonde avec le pluralisme qui avait émergé depuis les années 1990. Si la junte avance des arguments sécuritaires, le risque est grand de voir s’installer une dictature militaire durable. La mobilisation citoyenne, la pression internationale et la capacité au dialogue seront déterminantes pour préserver l’avenir démocratique du Mali.

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