Le retrait de la MINUSMA, un tournant pour la sécurité au Mali
Le 6 juin 2025, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a officiellement mis fin à ses opérations, après plus de douze ans de présence dans le pays. Ce retrait, décidé en 2024 à la demande des autorités maliennes, marque un tournant historique pour la sécurité, la stabilité et la protection des droits humains au Mali et dans toute la région du Sahel.
Bilan contrasté d’une mission sous pression
Depuis son déploiement en 2013, la MINUSMA a été l’une des plus importantes missions de maintien de la paix de l’ONU, mobilisant jusqu’à 15 000 soldats et policiers de plus de 50 pays. Son mandat : protéger les civils, soutenir le processus politique, surveiller les droits humains et appuyer la réconciliation nationale. Mais la mission a été confrontée à de nombreux défis : attaques djihadistes, tensions communautaires, hostilité croissante d’une partie de la population et du gouvernement malien.
Le bilan est contrasté. Si la MINUSMA a permis d’éviter l’effondrement total de l’État malien après la crise de 2012, elle n’a pas réussi à éradiquer la menace terroriste ni à instaurer une paix durable. Les attaques contre les Casques bleus ont fait plus de 300 morts, faisant de la MINUSMA l’une des missions les plus meurtrières de l’histoire de l’ONU.
Les raisons du retrait et les réactions au Mali
Le départ de la MINUSMA a été réclamé par la junte au pouvoir à Bamako, qui accuse la mission de partialité et d’inefficacité. Les autorités maliennes affirment vouloir reprendre en main la sécurité nationale, renforcer la souveraineté du pays et diversifier leurs partenariats, notamment avec la Russie et la Chine.
Ce retrait suscite des réactions contrastées. Certains Maliens saluent la fin d’une « tutelle étrangère » et espèrent une montée en puissance de l’armée nationale. D’autres, notamment dans le nord et le centre du pays, redoutent un vide sécuritaire et une recrudescence des violences.
Inquiétudes pour la sécurité et les droits humains
Le départ de la MINUSMA intervient dans un contexte de regain d’activité des groupes armés djihadistes (GSIM, EIGS, Ansar Dine) et de tensions intercommunautaires. Plusieurs ONG, dont Human Rights Watch et Amnesty International, alertent sur les risques d’exactions contre les civils, d’attaques contre les minorités et de violations massives des droits humains.
Les populations déplacées, les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables. L’absence de mécanismes de protection internationaux renforce la crainte d’une impunité accrue pour les groupes armés et certains éléments des forces de sécurité.
Le défi de la sécurité nationale et de la gouvernance
Le gouvernement malien a annoncé un plan de sécurisation du territoire, avec le renforcement des effectifs militaires, la création de milices locales et le recours à des sociétés de sécurité privées. Mais les moyens restent limités, et la coordination avec les pays voisins (Burkina Faso, Niger, Mauritanie) est fragile.
La question de la gouvernance, de la lutte contre la corruption et de la réconciliation nationale demeure centrale. Sans progrès sur ces fronts, la stabilité à long terme reste incertaine.
Le rôle de la communauté internationale et les nouveaux partenariats
Le retrait de la MINUSMA oblige la communauté internationale à repenser son engagement au Mali et au Sahel. L’Union africaine, la CEDEAO et l’Union européenne cherchent à maintenir un dialogue avec Bamako, tout en conditionnant leur aide au respect des droits humains et à la tenue d’un calendrier de transition politique.
La Russie, déjà présente via le groupe Wagner, renforce son influence, tandis que la Chine propose des partenariats économiques et sécuritaires. Les États-Unis et la France, historiquement engagés dans la lutte contre le terrorisme, réduisent leur présence militaire.
Perspectives et scénarios pour l’avenir du Mali
- Stabilisation nationale : Si l’armée malienne parvient à sécuriser le territoire et à dialoguer avec les groupes armés, une stabilisation progressive est possible.
- Aggravation des violences : En l’absence de médiation internationale, le risque d’escalade des conflits locaux et d’attaques terroristes reste élevé.
- Recomposition régionale : Le retrait de la MINUSMA pourrait accélérer la redéfinition des alliances et des stratégies de sécurité au Sahel.
Conclusion : Un Mali à la croisée des chemins
Le départ de la MINUSMA ouvre une période d’incertitude pour le Mali et la région. La sécurité, la protection des droits humains et la stabilité politique dépendront de la capacité des autorités à réformer, à dialoguer et à protéger les populations. L’Afrique et la communauté internationale doivent rester mobilisées pour accompagner ce tournant historique.