Mali : La dissolution des partis politiques par la junte militaire, quelles conséquences pour la démocratie ?

Un séisme politique au Mali

Le 10 avril 2025, la junte militaire au pouvoir à Bamako a annoncé la dissolution de tous les partis politiques et associations à caractère politique. Cette décision, prise par décret, a provoqué une onde de choc dans tout le pays et au-delà de ses frontières. Pour la première fois depuis l’indépendance, la vie politique malienne se retrouve à l’arrêt, sans espace légal pour l’expression du pluralisme ou de l’opposition.

Les raisons avancées par la junte

Les autorités de transition justifient leur décision par la nécessité de « préserver l’ordre public » et de « refonder la vie politique » après des années de crises, de corruption et de conflits. Selon le colonel Assimi Goïta, président de la transition, la classe politique traditionnelle aurait failli à ses responsabilités et perdu la confiance du peuple. La junte promet de lancer un « processus de refondation nationale » pour préparer un nouveau cadre politique.

Une société civile muselée

Mais pour la société civile et de nombreux observateurs, cette mesure marque une dérive autoritaire inquiétante. Les associations citoyennes, les syndicats et les défenseurs des droits humains dénoncent une volonté de verrouiller le débat public et de réduire au silence toutes les voix critiques. Les médias indépendants font face à des pressions croissantes, et plusieurs journalistes ont été interpellés ces dernières semaines.

Conséquences sur la transition et la stabilité

La dissolution des partis politiques risque de prolonger la transition militaire, déjà critiquée pour sa durée et son manque de transparence. Elle compromet aussi la tenue d’élections libres et inclusives, condition essentielle pour un retour à l’ordre constitutionnel. L’absence de contre-pouvoirs fragilise la gouvernance et ouvre la voie à l’arbitraire.

Sur le plan régional, cette décision isole davantage le Mali, déjà suspendu de la CEDEAO et confronté à des sanctions économiques. Les partenaires internationaux, dont l’Union africaine et l’Union européenne, ont exprimé leur inquiétude et appelé à la restauration rapide du pluralisme politique.

Un risque de radicalisation et de fragmentation

La fermeture de l’espace politique pourrait pousser certains acteurs à la clandestinité ou à la radicalisation. Le risque de voir émerger des mouvements contestataires violents ou de nouvelles formes de rébellion n’est pas à écarter. Dans un contexte déjà marqué par l’insécurité, la présence de groupes armés et la crise humanitaire, la stabilité du Mali est plus que jamais en jeu.

Quelles perspectives pour la démocratie malienne ?

Dans ce climat d’incertitude, la société civile malienne tente de s’organiser pour défendre les libertés fondamentales et préparer l’après-junte. Des initiatives citoyennes émergent pour promouvoir le dialogue, la réconciliation et la refondation d’un système politique plus inclusif et responsable.

La communauté internationale, de son côté, doit maintenir la pression pour un retour rapide à la démocratie, tout en soutenant les forces vives du pays. Le Mali, cœur du Sahel, a besoin d’institutions solides et légitimes pour relever les défis du terrorisme, du développement et de la cohésion nationale.

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