Madagascar, l’une des îles les plus riches en biodiversité au monde, voit aujourd’hui ses parcs nationaux menacés par une pression environnementale alarmante. Entre déforestation illégale, exploitation minière artisanale et trafic de bois précieux, les aires protégées malgaches – jadis modèles de préservation – sont confrontées à une érosion sans précédent de leur écosystème unique. Cette crise écologique, loin d’être isolée, soulève des enjeux sociaux, politiques et économiques majeurs pour le pays et pour l’Afrique.
Une biodiversité exceptionnelle en danger
Madagascar abrite plus de 80% d’espèces endémiques, c’est-à-dire introuvables ailleurs sur la planète : lémuriens, caméléons, orchidées rares et forêts tropicales uniques. Ces richesses ont longtemps fait de l’île un “laboratoire vivant” pour les scientifiques et une destination touristique de premier plan. Mais selon le WWF, le pays a déjà perdu près de 40% de ses forêts primaires en 60 ans.
Les pressions sont désormais telles que même des zones protégées comme le parc national de Masoala ou celui de Ranomafana montrent des signes avancés de fragmentation écologique.
Les moteurs de la déforestation
La crise environnementale découle de deux dynamiques majeures.
- La pauvreté et la pression démographique : dans un pays où plus de 75% de la population vit sous le seuil de pauvreté, beaucoup de paysans pratiquent encore le tavy, une culture sur brûlis consistant à abattre puis brûler la végétation pour cultiver du riz ou du maïs.
- Les trafics illégaux : des réseaux locaux et internationaux exploitent le bois précieux (palissandre, ébène) et les pierres rares (saphirs). Ces activités, souvent opérées avec la complicité d’élites politico-économiques, fragilisent davantage l’autorité de l’État.
À cela s’ajoute la multiplication des exploitations minières artisanales dans les zones protégées, où l’or et les pierres précieuses attisent convoitises et insécurité.
Le rôle des communautés locales
Paradoxalement, les communautés riveraines restent à la fois les premières victimes et parfois les acteurs de cette pression. Dans certaines zones, elles dépendent directement de la forêt pour leur survie – bois de chauffage, plantes médicinales, chasse de subsistance. Les ONG insistent donc sur la nécessité de replacer les populations au cœur des politiques de conservation, avec des programmes alternatifs générateurs de revenus.
Des initiatives existent déjà, comme les “forêts communautaires”, qui associent exploitation raisonnée et préservation des paysages. Mais elles peinent à trouver les financements suffisants pour être durables.
Un État impuissant ?
Les politiques publiques de conservation sont fragiles. Si Madagascar a signé plusieurs conventions internationales et renforcé l’angle juridique de la protection des forêts, leur application reste très limitée. Les parcs nationaux souffrent d’un manque criant de garde-forestiers et d’une corruption structurelle qui fragilise l’autorité environnementale.
Le gouvernement actuel tente toutefois de renforcer ses partenariats avec les bailleurs internationaux (Banque mondiale, Union européenne, ONG internationales). Mais la crédibilité du pays dans ce domaine dépendra de sa capacité à traduire ces engagements en contrôle réel sur le terrain.
Enjeux mondiaux de la déforestation malgache
La destruction des forêts malgaches dépasse les frontières nationales. Non seulement elle déstabilise la biodiversité mondiale, mais elle contribue aussi au réchauffement climatique. Des scientifiques alertent sur la perte potentielle de réserves de carbone naturellement stockées dans les mangroves et forêts tropicales de l’île.
Tourner le dos à Madagascar dans cette lutte reviendrait à renoncer à l’un des plus grands réservoirs de biodiversité de l’humanité.
Entre tourisme, écologie et développement
Le tourisme écologique a longtemps été présenté comme la planche de salut économique pouvant financer la préservation des parcs. Mais ce modèle est fragile : la pandémie a démontré la dépendance excessive aux flux internationaux. Aujourd’hui, les autorités cherchent à équilibrer davantage en développant à la fois l’écotourisme, l’agriculture durable et les partenariats scientifiques.