Introduction
Le paludisme demeure l’un des plus grands défis de santé publique en Afrique, avec près de 94 % des cas mondiaux recensés sur le continent en 202367. Au Sénégal, la maladie continue de faire des ravages, malgré des décennies de lutte. Mais en 2025, une avancée scientifique et opérationnelle majeure suscite l’espoir : le déploiement de nouveaux vaccins et des stratégies innovantes ciblant les porteurs asymptomatiques du parasite. Analyse d’une révolution en marche, symbole de la résilience et de l’innovation africaine.
Le poids du paludisme au Sénégal
Avec près d’un million de cas recensés chaque année, le paludisme reste endémique au Sénégal, particulièrement dans les régions sahéliennes et dans le sud-est, comme à Kédougou18. Les enfants de moins de cinq ans paient le plus lourd tribut, représentant plus des trois quarts des décès liés à la maladie6.
La lutte contre le paludisme est un enjeu de santé publique, mais aussi économique et social. La maladie grève la productivité, pèse sur les systèmes de santé et freine le développement local.
Une percée scientifique : cibler les porteurs asymptomatiques
Jusqu’à récemment, les campagnes de lutte se concentraient sur la prévention (moustiquaires imprégnées, pulvérisations d’insecticides) et le traitement des cas déclarés. Mais une part importante de la transmission est assurée par des porteurs asymptomatiques, souvent jeunes adultes, qui hébergent le parasite sans présenter de symptômes1.
Le projet AMARETi, piloté par des chercheurs sénégalais et français, cible précisément ces porteurs invisibles. Deux campagnes massives d’administration d’antipaludiques sont organisées chaque année dans 50 villages de Kédougou, touchant près de 18 000 personnes1. Cette approche, combinée à des actions de sensibilisation auprès des jeunes, vise à casser la chaîne de transmission.
L’arrivée des vaccins : un tournant historique
En parallèle, l’arrivée du vaccin RTS,S (Mosquirix) et du nouveau vaccin R21/Matrix-M marque un tournant56. Après des essais pilotes concluants au Ghana, au Kenya et au Malawi, le Sénégal fait partie des 13 premiers pays africains à intégrer la vaccination de routine dans sa stratégie nationale.
Le vaccin RTS,S a déjà permis de réduire la mortalité de 13 % chez les enfants vaccinés lors des phases pilotes5. Le vaccin R21, encore plus efficace, est en cours de déploiement en 2025, avec le soutien de GAVI et de l’OMS.
Une stratégie intégrée : prévention, traitement, innovation
Le succès de la lutte contre le paludisme repose désormais sur la combinaison des outils : moustiquaires, traitements précoces, campagnes de chimio-prévention saisonnière (CPS) et vaccination36. En 2024, plus de 54 millions d’enfants africains ont bénéficié de la CPS, contre 170 000 seulement en 20126.
Au Sénégal, le Plan stratégique national 2021-2025 vise l’accélération de l’élimination du paludisme, avec un accent sur la surveillance, la recherche et l’innovation8.
Défis et perspectives
Malgré ces avancées, des défis persistent : résistance aux insecticides, accès inégal aux soins, financement durable des programmes. Mais la mobilisation des partenaires internationaux, la montée en puissance des ressources nationales et l’engagement des communautés locales laissent entrevoir une perspective de victoire.
« L’introduction des vaccins et le ciblage des porteurs asymptomatiques pourraient changer la donne, à condition de maintenir l’effort collectif », estime le Dr El Hadj Ba, chercheur à l’IRD de Dakar.
Conclusion
Le Sénégal est à l’avant-garde d’une nouvelle ère dans la lutte contre le paludisme. Grâce à l’innovation, à la science et à la mobilisation de tous, l’élimination de la maladie n’est plus un rêve lointain, mais un objectif à portée de main. Un exemple inspirant pour toute l’Afrique.