L’affichage du coût environnemental des vêtements devient une réalité en France dès le second semestre 2025. Cette mesure, attendue depuis plusieurs années par les défenseurs de la slow fashion et les consommateurs responsables, vise à transformer en profondeur l’industrie textile, l’une des plus polluantes au monde. Décryptage d’un tournant majeur pour la mode, les marques et les habitudes d’achat.
Pourquoi cette étiquette ?
La mode rapide, ou fast fashion, a bouleversé la consommation vestimentaire : collections renouvelées à toute vitesse, prix cassés, production massive dans des pays à faibles coûts sociaux et environnementaux. Mais ce modèle a un coût caché : émissions de gaz à effet de serre, consommation d’eau, pollution chimique, déchets textiles, exploitation humaine. Selon l’ADEME, l’industrie textile est responsable de 8 à 10 % des émissions mondiales de CO₂ et de 20 % de la pollution des eaux.
Face à l’urgence climatique et sociale, la France a décidé d’imposer une nouvelle transparence : chaque vêtement vendu devra afficher son impact environnemental, calculé selon des critères précis (matières premières, transport, fabrication, fin de vie). Un score, visible sur l’étiquette ou en ligne, permettra au consommateur de comparer et de choisir en connaissance de cause.
Comment ça marche ?
Le gouvernement, en concertation avec les industriels, les ONG et les scientifiques, a mis au point une méthodologie d’analyse du cycle de vie (ACV) des produits textiles. Les marques devront renseigner une base de données centralisée, qui attribuera un score environnemental à chaque référence. Les critères intègrent :
- L’origine et la nature des fibres (coton bio, polyester recyclé, laine, etc.)
- Le lieu et le mode de fabrication (énergie, conditions sociales, respect des normes)
- Le transport (distance, mode de fret)
- La durabilité et la réparabilité du vêtement
- La gestion de la fin de vie (recyclage, compostage, incinération)
Les vêtements les plus vertueux seront mis en avant, tandis que les produits très polluants devront afficher un « carton rouge ».
Quels impacts pour les marques ?
Les grandes enseignes, comme Zara, H&M, Shein ou Primark, sont directement visées. Elles devront revoir leurs chaînes d’approvisionnement, investir dans des matières écologiques, améliorer la traçabilité et réduire leur empreinte carbone. Les marques françaises et européennes, souvent plus engagées dans la qualité et la durabilité, voient là une opportunité de se différencier.
Certaines start-ups, comme Loom, Hopaal ou 1083, misent déjà sur la transparence, la production locale et les circuits courts. Les labels éthiques (GOTS, Fair Wear, OEKO-TEX) gagnent en visibilité. Les plateformes de seconde main (Vinted, Le Bon Coin, Vestiaire Collective) profitent de cette tendance pour promouvoir la réutilisation et l’économie circulaire.
Le consommateur, acteur du changement
L’affichage environnemental vise à responsabiliser le consommateur, à l’inciter à acheter moins mais mieux, à privilégier la qualité et la durabilité. Des campagnes d’information accompagneront le lancement de l’étiquette : comment lire le score ? Quels gestes pour prolonger la vie des vêtements ? Comment recycler ou donner ses habits usagés ?
Les associations de consommateurs saluent la mesure, tout en demandant des contrôles stricts pour éviter le greenwashing et les fausses allégations écologiques.
Quels effets attendus ?
À moyen terme, l’étiquette environnementale pourrait bouleverser la hiérarchie du secteur : baisse des ventes de la fast fashion, montée en gamme des marques responsables, relocalisation partielle de la production, développement de nouveaux matériaux biosourcés. L’industrie textile devra innover, investir dans la recherche et former ses salariés aux nouveaux métiers de la mode durable.
La France espère entraîner l’Europe et le monde dans cette dynamique, à l’image du Nutri-Score dans l’alimentation. L’objectif est double : réduire l’empreinte écologique de la mode et protéger les consommateurs.
Vers une mode plus juste et durable
L’affichage du coût environnemental des vêtements n’est qu’une étape. D’autres mesures suivront : limitation des invendus, interdiction de la destruction des stocks, soutien à la réparation et à la location, éducation à la consommation responsable dès l’école.
La mode de demain sera éthique, circulaire et inclusive, ou ne sera pas. Les créateurs africains, pionniers du recyclage et de l’upcycling, ont un rôle clé à jouer dans cette révolution mondiale.