Le panafricanisme n’est plus l’apanage des vieux sages ou des figures historiques. Sur les campus, dans les incubateurs, sur les réseaux sociaux, une nouvelle génération d’Africains réinvente le rêve d’unité et d’émancipation. Leurs outils ? La technologie, l’entrepreneuriat, la culture, l’activisme citoyen. Leur horizon ? Un continent qui s’assume, qui dialogue et qui refuse la fatalité.
À Lagos, la start-up d’Adaora Eze, 26 ans, développe une application pour connecter les jeunes entrepreneurs africains à des mentors du continent entier. À Dakar, Fatou Diop, 23 ans, anime un podcast sur la décolonisation des imaginaires et la fierté noire. À Nairobi, le collectif « Green Africa Youth » mobilise des milliers de volontaires pour reboiser les banlieues et lutter contre la pollution plastique. Chacun à sa manière, ces jeunes incarnent le renouveau d’un panafricanisme pragmatique, inclusif et ouvert sur le monde.
Leurs revendications ne sont plus seulement politiques. Elles touchent à l’économie, à la justice climatique, à l’égalité des genres, à la liberté d’expression. Le panafricanisme version 2025 se conjugue au féminin : la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala à la tête de l’OMC, la Kényane Lupita Nyong’o à Hollywood, la Malienne Oumou Sangaré sur les scènes du monde. Les femmes prennent la parole, investissent la sphère publique et inspirent la jeunesse.
La mondialisation numérique accélère la circulation des idées. Sur Twitter, TikTok ou WhatsApp, les hashtags #AfricaRising, #DecolonizeAfrica, #BlackExcellence fédèrent des millions d’internautes. Les débats sur la restitution des œuvres d’art, sur la souveraineté alimentaire ou sur la monnaie unique de la CEDEAO enflamment la toile. Les influenceurs panafricains, comme l’Ivoirien Steven Nduku ou la Sud-Africaine Zanele Mthembu, mobilisent des communautés transfrontalières et bousculent les stéréotypes.
L’activisme ne se limite pas au virtuel.
Les mouvements citoyens, de Y’en a Marre au Sénégal à Balai Citoyen au Burkina Faso, continuent de peser sur la vie politique. En 2024, la mobilisation des jeunes a été décisive dans les élections au Sénégal, au Nigeria ou au Ghana. Les manifestations contre la corruption, pour la protection de l’environnement ou contre les violences policières témoignent d’une conscience politique aiguisée.
L’économie n’est pas en reste. Les jeunes entrepreneurs panafricains misent sur l’innovation, la tech, l’agroécologie et la finance inclusive pour créer des emplois et valoriser les ressources locales. Le succès de la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine) nourrit l’espoir d’un marché commun africain, capable de rivaliser avec l’Europe ou l’Asie. Les start-up, de Flutterwave à Jumia, prouvent que l’Afrique peut inventer ses propres modèles.
La culture est aussi un terrain de reconquête. Musique, cinéma, littérature, mode : la créativité africaine rayonne à l’international. Les festivals panafricains, de FESPACO à la Biennale de Dakar, sont des vitrines de la diversité et de l’excellence. Les artistes s’emparent des questions de mémoire, d’identité et de transmission. Le panafricanisme culturel s’affirme comme un moteur de fierté et de cohésion.
Mais les défis restent immenses. Les inégalités, le chômage, les conflits, les migrations forcées, la crise climatique pèsent sur la jeunesse. Les institutions panafricaines, comme l’Union africaine, peinent parfois à incarner le renouveau espéré. Pourtant, l’énergie, la créativité et la détermination des jeunes Africains ouvrent des perspectives inédites. Le panafricanisme du XXIe siècle ne se contente plus de rêver l’unité : il la construit, jour après jour, sur le terrain et dans les esprits.