Les abeilles africaines menacées de disparition par la chaleur extrême

Dans les paysages ensoleillés de l’Afrique subsaharienne, un drame silencieux se joue : les abeilles, piliers discrets de la biodiversité et de l’agriculture, affrontent un danger encore trop sous-estimé — la chaleur extrême liée au réchauffement climatique. Alors que ces insectes assuraient hier la pollinisation de millions d’hectares de cultures vivrières et fruitières, leur déclin alarmant menace déjà la sécurité alimentaire du continent.

Un constat scientifique implacable

Les données publiées en 2025 par plusieurs instituts d’agroécologie d’Afrique de l’Ouest sonnent l’alarme : les chaleurs records enregistrées depuis trois ans provoquent la mortalité précoce d’essaims entiers. Dès 39 °C, des colonies entières succombent. Or, ces températures sont de plus en plus fréquentes dans des pays comme le Niger, le Mali, le Tchad ou la Gambie. “Nos ruches se sont vidées en quelques semaines”, témoigne Souleymane, apiculteur dans le nord du Sénégal. “Le miel a coulé, mais il n’y a plus d’abeilles pour le produire.”

L’effet est double. D’une part, l’extrême chaleur assèche la végétation, réduisant nectar et pollen disponibles. D’autre part, la survie de la reine, déjà fragilisée par les pesticides et le manque d’eau, devient précaire. Les scientifiques observent aussi un affaiblissement de l’immunité collective : maladies, virus et parasites s’installent plus facilement. Cette conjonction de facteurs forme un “cercle vicieux du déclin”, jusqu’alors inédit en Afrique.

Un impact agricole et social colossal

La disparition progressive des abeilles plonge directement de nombreuses campagnes africaines dans la tourmente. Selon la FAO, jusqu’à 80 % des cultures dépendant de la pollinisation pourraient subir une baisse de rendement de 25 à 50 % d’ici 2030 si la tendance actuelle se poursuit. Les premières victimes sont : le niébé, l’arachide, la pastèque, la mangue et des variétés locales de coton.

Ce phénomène met aussi en péril l’apiculture, secteur vital pour des dizaines de milliers de petits producteurs et productrices. Le miel africain, reconnu pour sa pureté, constitue une source de revenu majeur, notamment dans la sous-région sahélienne. La filière génère de l’emploi et finance l’éducation de milliers d’enfants ruraux. “En perdant nos abeilles, nous perdons notre trésor, notre autonomie, notre avenir”, assène une coopérative du Ghana.

En aval, la raréfaction du miel entraîne la flambée des prix sur les marchés urbains, accentuant les inégalités entre milieu rural et consommateurs citadins. Cela risque aussi de perturber l’industrie agroalimentaire naissante du continent.

Les réponses africaines : innovation et résistance

Face à la catastrophe annoncée, des initiatives émergent. Au Burkina Faso, des associations forment les apiculteurs à déplacer leurs ruches vers de nouvelles zones boisées, moins exposées. Au Kenya et en Afrique du Sud, la recherche de races d’abeilles résistantes à la chaleur (telles que l’A. mellifera scutellata) s’intensifie, avec des protocoles de sélection naturelle adaptés au stress thermique. La création de micro-forêts locales et la plantation de mellifères entrent dans les programmes de résilience agricole.

Des ONG comme BeAfrica et Pollinate Africa promeuvent l’installation de points d’eau artificiels et de ruchers abrités sous de nouveaux auvents végétalisés. Pourtant, ces réponses restent très inégales, le financement étant limité, et le soutien gouvernemental disparate selon les pays.

Un enjeu continental, une urgence mondiale

La crise des abeilles africaines ne concerne pas seulement l’Afrique : l’Union africaine, la FAO et le Programme alimentaire mondial soulignent l’urgence d’une réaction globale. La chute de la pollinisation pourrait précipiter l’insécurité alimentaire, pousser les jeunes ruraux à l’exode, et aggraver la pauvreté dans les zones à faible revenu. À terme, elle menacerait la dynamique d’exportation de produits agricoles africains.

Des voix plaident aujourd’hui pour l’inclusion des pollinisateurs dans toutes les stratégies climatiques nationales – un défi de gouvernance mais aussi de souveraineté alimentaire.

Related posts

Aux origines du nom “Enterprise” pour la navette spatiale américaine

Ryanair met la pression sur les bagages surdimensionnés en cabine

Les Bédouins de Sweida forcés à l’exil, violences persistantes