Introduction :
Avec plus de 85 % des emplois africains issus du secteur informel (Banque mondiale, 2023), cette économie « de la débrouille » est à la fois un pilier de survie et un obstacle à la formalisation des systèmes productifs. Entre micro-entrepreneuriat innovant et exploitation sociale, ce secteur hybride interroge les modèles de développement conventionnels.
Caractéristiques et enjeux du secteur informel
- Diversité des activités : Des vendeurs ambulants de Lagos aux boda-boda (taxis-motos) de Kampala, en passant par les ateliers de réparation informels de Dakar.
- Contribution économique cachée : Le secteur informel représenterait 35 % du PIB africain, selon l’OIT, mais échappe largement aux statistiques officielles.
- Vulnérabilités sociales : Absence de protection sociale (santé, retraite), exploitation des enfants (mines artisanales en RDC), et précarité accrue lors des crises (Covid-19).
Étude de cas : Le marché de Oshodi à Lagos
Ce marché géant, cœur économique informel de la mégapole nigériane, illustre les paradoxes du secteur :
- Réseaux de solidarité : Systèmes de crédit rotatifs (esusu) et entraide entre commerçants pour faire face aux saisies policières.
- Conflits avec les autorités : Tentatives répétées de « modernisation » par le gouvernement, entraînant des expulsions violentes et des résistances communautaires.
- Innovations hybrides : Adoption du mobile money (Opay) pour sécuriser les transactions, malgré l’absence de cadre juridique clair.
Freins à la formalisation
- Obstacles bureaucratiques : Coûts élevés d’enregistrement des entreprises et corruption des administrations.
- Manque d’accès au crédit : Seuls 12 % des micro-entreprises ont accès à des prêts bancaires, poussant les acteurs vers des prêteurs informels aux taux usuriers.
- Méfiance envers l’État : Dans des pays comme la RDC ou le Nigeria, les populations perçoivent la formalisation comme un piège fiscal plutôt qu’une protection.
Initiatives pour intégrer l’informel
- Plateformes de digitalisation : L’application M-Sawa au Kenya permet aux vendeurs informels de gérer leurs stocks et ventes via smartphone.
- Coopératives légales : Au Maroc, les coopératives artisanales bénéficient d’exonérations fiscales pour encourager la transition vers le formel.
- Modèles hybrides : En Afrique du Sud, les township economies combinent activités informelles (marchés de rue) et infrastructures semi-formelles (centres commerciaux low-cost).
En conclusion
L’économie informelle africaine est-elle un frein ou un accélérateur de développement ? La réponse réside dans des politiques publiques adaptatives, combinant régulation souple, accès au crédit et reconnaissance des savoir-faire locaux, plutôt que dans une répression contre-productive.