Un départ retentissant qui bouleverse l’équilibre régional
Le 12 juin 2025, le gouvernement rwandais a officiellement annoncé son retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), une organisation régionale clé regroupant onze pays. Cette décision, prise après plusieurs mois de tensions diplomatiques et de divergences politiques, marque un tournant dans l’histoire de la coopération régionale et soulève de nombreuses interrogations sur l’avenir de l’intégration en Afrique centrale.
Le Rwanda, membre de la CEEAC depuis 1999, justifie ce retrait par « l’inefficacité persistante de l’organisation à répondre aux défis sécuritaires, économiques et politiques de la région ». Kigali accuse la CEEAC de manquer de réactivité face aux crises récurrentes, notamment dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), et de ne pas suffisamment soutenir les efforts de lutte contre le terrorisme et les groupes armés.
Les raisons profondes d’un divorce annoncé
Au-delà des griefs officiels, plusieurs analystes estiment que ce retrait reflète une stratégie plus large du Rwanda, qui cherche à renforcer ses alliances avec d’autres blocs régionaux, notamment la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), perçue comme plus dynamique et efficace. Le président Paul Kagame a multiplié les initiatives pour positionner le Rwanda comme un acteur incontournable de la diplomatie et de l’économie en Afrique de l’Est, parfois au détriment de ses engagements en Afrique centrale.
Par ailleurs, les relations entre le Rwanda et certains membres de la CEEAC, notamment la RDC et le Congo-Brazzaville, se sont détériorées ces derniers mois, sur fond d’accusations mutuelles d’ingérence et de soutien à des groupes rebelles. Le climat de méfiance et la concurrence pour le leadership régional ont fini par rendre la cohabitation intenable.
Les conséquences pour la CEEAC et la région
Le départ du Rwanda affaiblit la CEEAC, déjà confrontée à des difficultés de financement, de gouvernance et de coordination. L’organisation perd un membre influent, reconnu pour son dynamisme économique et sa capacité à mobiliser des ressources. Ce retrait risque de ralentir les projets d’intégration régionale, de libre-échange et de coopération sécuritaire, au moment où l’Afrique centrale fait face à des défis majeurs : insécurité transfrontalière, crise des réfugiés, changement climatique, et développement économique.
Pour les autres membres, ce départ est un signal d’alarme. Il met en lumière la nécessité de réformer en profondeur la CEEAC, de renforcer la solidarité et de repenser les mécanismes de prise de décision pour éviter d’autres défections à l’avenir.
Les enjeux pour le Rwanda
Pour Kigali, ce retrait est un pari risqué mais calculé. Le Rwanda espère tirer profit de son ancrage dans l’EAC, qui offre un marché plus vaste et des opportunités d’investissement accrues. Le pays mise également sur ses succès en matière de gouvernance, d’innovation et de stabilité pour attirer les partenaires internationaux et asseoir son influence sur la scène africaine.
Cependant, ce choix pourrait aussi isoler le Rwanda de certains réseaux de coopération et compliquer la gestion des crises transfrontalières, notamment avec la RDC. Les observateurs s’interrogent sur la capacité du pays à maintenir des relations apaisées avec ses voisins et à éviter une escalade des tensions.
Vers une recomposition de la géopolitique régionale ?
Le retrait du Rwanda de la CEEAC s’inscrit dans un contexte de recomposition des alliances en Afrique centrale et de l’Est. Il reflète la montée des rivalités pour le leadership régional et la difficulté à bâtir une intégration continentale solide. Les prochaines années seront déterminantes pour l’avenir de la coopération régionale et la stabilité de l’Afrique centrale.