Le référendum constitutionnel contesté ouvre la voie à une présidence prolongée sous tension sociale

Le 21 septembre 2025, la Guinée a organisé un référendum constitutionnel très contesté qui pourrait redessiner profondément l’architecture politique du pays et ouvrir la voie à une présidence durable sous le contrôle du général Mamadi Doumbouya. Malgré une participation élevée et un résultat officiel largement favorable à la nouvelle constitution, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer un processus perçu comme manipulé, une répression accrue et un recul démocratique préoccupant.

Contexte politique et enjeux majeurs du référendum

L’après-coup d’État de 2021 en Guinée demeure marqué par une période de transition instable. Mamadi Doumbouya, chef de la junte qui a renversé l’ancien président Alpha Condé, a promis initialement un retour rapide à l’ordre constitutionnel avec des élections. Mais le référendum du 21 septembre 2025 a modifié les règles démocratiques en instaurant une nouvelle constitution qui renforce considérablement les pouvoirs présidentiels et allonge la durée du mandat.

Le projet constitutif, fortement soutenu par la junte, prévoit un mandat présidentiel de sept ans renouvelable une fois, remplaçant le précédent mandat de six ans renouvelable. Du jamais vu en Guinée moderne, cette prolongation est justifiée par les autorités comme un facteur de stabilité politique et de développement. Mais l’opposition y voit un moyen de verrouiller le pouvoir et d’éliminer toute perspective d’alternance.

Résultats officiels versus contestation populaire

Selon les résultats provisoires de la Commission électorale, le « oui » recueille plus de 89% des voix, avec un taux de participation supérieur à 86%. Ces chiffres semblent confirmer une adhésion massive à la nouvelle constitution. Néanmoins, ces résultats sont fortement contestés par plusieurs partis politiques, la société civile et des organisations internationales.

Critiques principales : la campagne du « oui » a été omniprésente, tandis que le « non » a été quasi inaudible, en raison d’une répression ciblée. Des arrestations massives de dirigeants de l’opposition, la suspension de médias indépendants, et l’interdiction quasi générale des manifestations ont sévèrement limité l’expression démocratique.

Vers une présidence durable et concentration du pouvoir

La nouvelle Constitution confère au président un pouvoir exécutif renforcé, incluant la possibilité de demander que les révisions constitutionnelles ne soient pas soumises à référendum, sauf exceptions strictes. Elle instaure aussi une période d’intangibilité constitutionnelle de 30 ans pour certaines dispositions, rendant les futures réformes constitutionnelles très difficiles.

Ces dispositions semblent taillées sur mesure pour que Mamadi Doumbouya, dont l’âge et le parcours militaire marquent une rupture avec les dirigeants précédents, puisse prolonger officiellement son emprise sur le pouvoir après la prochaine élection présidentielle. Cette perspective inquiète les défenseurs des droits humains et les acteurs démocratiques qui dénoncent un risque accru d’autoritarisme.

Sécurité et garanties absentes

Pour assurer la tenue du référendum, plus de 45 000 agents de forces de sécurité ont été mobilisés, avec de nombreux blindés et hélicoptères. L’espace aérien a été fermé et des restrictions sévères ont été imposées sur la liberté de circulation et de réunion. Les observateurs soulignent que ce dispositif militaire massif trahit un climat de peur et non de confiance démocratique.

Les garanties fondamentales de liberté d’expression, de pluralisme politique et d’indépendance de la justice apparaissent affaiblies depuis 2021, notamment avec la création d’un Conseil national de transition aux pouvoirs étendus et le rôle central de l’armée dans la vie politique.

Réactions internationales et perspectives

La communauté internationale a exprimé des réserves sur le référendum. La CEDEAO et l’Union africaine ont appelé au respect des droits et à une ouverture politique. Plusieurs bailleurs internationaux ont temporisé leurs financements, réclamant un processus électoral transparent et crédible.

Pour le général Doumbouya, le référendum est une étape nécessaire vers la « normalisation » et le retour à la paix. Le gouvernement promet des élections avant la fin de 2025, mais sans fixations précises ni engagement clair sur l’indépendance des institutions.

Conclusion

Le référendum constitutionnel guinéen de septembre 2025 constitue un tournant politique crucial, marquant potentiellement le passage vers une présidence prolongée dans un contexte de fortes tensions démocratiques et sociales. Si les autorités vantent la stabilité et la modernisation promise, la consolidation d’un pouvoir quasi exclusif soulève de sérieuses inquiétudes quant à l’avenir démocratique et la stabilité durable du pays.

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